L'art de la Guerre (Les Treize Articles)
Ainsi l'élan de celui
qui est habile dans l'art de la guerre est irrésistible, et son
attaque est réglée avec précision.
Le potentiel de ces sortes de guerriers est
comme celui de ces grands arcs totalement bandés, tout plie sous
leurs coups, tout est renversé. Tels qu'un globe qui présente une
égalité parfaite entre tous les points de sa surface, ils sont
également forts partout ; partout leur résistance est la même.
Dans le fort de la mêlée et d'un désordre apparent, ils savent
garder un ordre que rien ne saurait interrompre, ils font naître la
force du sein même de la faiblesse, ils font sortir le courage et
la valeur du milieu de la poltronnerie et de la pusillanimité.
Mais savoir garder un ordre merveilleux au
milieu même du désordre, cela ne se peut sans avoir fait auparavant
de profondes réflexions sur tous les événements qui peuvent
arriver.
Faire naître la force du sein même de la
faiblesse, cela n'appartient qu'à ceux qui ont une puissance
absolue et une autorité sans bornes (par le mot de puissance il ne
faut pas entendre ici domination, mais cette faculté qui fait qu'on
peut réduire en acte tout ce qu'on se propose). Savoir faire sortir
le courage et la valeur du milieu de la poltronnerie et de la
pusillanimité, c'est être héros soi-même, c'est être plus que
héros, c'est être au-dessus des plus intrépides.
Un commandant habile recherche la victoire
dans la situation et ne l'exige pas de ses subordonnés.
Quelque grand, quelque merveilleux que tout
cela paraisse, j'exige cependant quelque chose de plus encore de
ceux qui gouvernent les troupes : c'est l'art de faire mouvoir
à son gré les ennemis. Ceux qui le possèdent, cet art admirable,
disposent de la contenance de leurs gens et de l'armée qu'ils
commandent, de telle sorte qu'ils font venir l'ennemi toutes les
fois qu'ils le jugent à propos ; ils savent faire des
libéralités quand il convient, ils en font même à ceux qu'ils
veulent vaincre : ils donnent à l'ennemi et l'ennemi reçoit,
ils lui abandonnent et il vient prendre. Ils sont prêts à
tout ; ils profitent de toutes les circonstances ;
toujours méfiants ils font surveiller les subordonnés qu'ils
emploient et, se méfiant d'eux-mêmes, ils ne négligent aucun moyen
qui puisse leur être utile.
Ils regardent les hommes, contre lesquels ils
doivent combattre, comme des pierres ou des pièces de bois qu'ils
seraient chargés de faire rouler de haut en bas.
La pierre et le bois n'ont aucun mouvement de
leur nature ; s'ils sont une fois en repos, ils n'en sortent
pas d'eux-mêmes, mais ils suivent le mouvement qu'on leur
imprime ; s'ils sont carrés, ils s'arrêtent d'abord ;
s'ils sont ronds, ils roulent jusqu'à ce qu'ils trouvent une
résistance plus forte que la force qui leur était imprimée.
Faites en sorte que l'ennemi soit entre vos
mains comme une pierre de figure ronde, que vous auriez à faire
rouler d'une montagne qui aurait mille toises de haut : la
force qui lui est imprimée est minime, les résultats sont énormes.
C'est en cela qu'on reconnaîtra que vous avez de la puissance et de
l'autorité.
Article VI – Du plein et du vide
Sun Tzu dit : Une des choses les plus
essentielles que vous ayez à faire avant le combat, c'est de bien
choisir le lieu de votre campement. Pour cela il faut user de
diligence, il ne faut pas se laisser prévenir par l'ennemi, il faut
être campé avant qu'il ait eu le temps de vous reconnaître, avant
même qu'il ait pu être instruit de votre marche. La moindre
négligence en ce genre peut être pour vous de la dernière
conséquence. En général, il n'y a que du désavantage à camper après
les autres.
Celui qui est capable de faire venir l'ennemi
de sa propre initiative le fait en lui offrant quelque
avantage ; et celui qui est désireux de l'en empêcher le fait
en le blessant.
Celui qui est chargé de la conduite d'une
armée, ne doit point se fier à d'autres pour un choix de cette
importance ; il doit faire quelque chose de plus encore. S'il
est véritablement habile, il pourra disposer à son gré du campement
même et de toutes les marches de son ennemi. Un grand général
n'attend pas qu'on le fasse aller, il sait faire venir. Si vous
faites en sorte que l'ennemi cherche à se rendre de son plein gré
dans les lieux où vous souhaitez précisément qu'il aille, faites en
sorte aussi de lui aplanir toutes les difficultés et de lever tous
les obstacles qu'il pourrait
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