L'art de la Guerre (Les Treize Articles)
contenance
Sun Tzu dit : Généralement, le
commandement du grand nombre est le même que pour le petit nombre,
ce n'est qu'une question d'organisation. Contrôler le grand et le
petit nombre n'est qu'une seule et même chose, ce n'est qu'une
question de formation et de transmission des signaux.
Ayez les noms de tous les officiers tant
généraux que subalternes ; inscrivez-les dans un catalogue à
part, avec la note des talents et de la capacité de chacun d'eux,
afin de pouvoir les employer avec avantage lorsque l'occasion en
sera venue. Faites en sorte que tous ceux que vous devez commander
soient persuadés que votre principale attention est de les
préserver de tout dommage.
Les troupes que vous ferez avancer contre
l'ennemi doivent être comme des pierres que vous lanceriez contre
des œufs. De vous à l'ennemi, il ne doit y avoir d'autre différence
que celle du fort au faible, du vide au plein.
La certitude de subir l'attaque de l'ennemi
sans subir une défaite est fonction de la combinaison entre
l'utilisation
directe
et
indirecte
des forces. [2]
Usez généralement des forces directes pour
engager la bataille, et des forces indirectes pour emporter la
décision. Les ressources de ceux qui sont habiles dans
l'utilisation des forces indirectes sont aussi infinies que celles
des Cieux et de la Terre, et aussi inépuisables que le cours des
grandes rivières.
Attaquez à découvert, mais soyez vainqueur en
secret. Voilà en peu de mots en quoi consiste l'habileté et toute
la perfection même du gouvernement des troupes. Le grand jour et
les ténèbres, l'apparent et le secret ; voilà tout l'art. Ceux
qui le possèdent sont comparables au Ciel et à la Terre, dont les
mouvements ne sont jamais sans effet : ils ressemblent aux
fleuves et aux mers dont les eaux ne sauraient tarir. Fussent-ils
plongés dans les ténèbres de la mort, ils peuvent revenir à la
vie ; comme le soleil et la lune, ils ont le temps où il faut
se montrer, et celui où il faut disparaître ; comme les quatre
saisons, ils ont les variétés qui leur conviennent ; comme les
cinq tons de la musique, comme les cinq couleurs, comme les cinq
goûts, ils peuvent aller à l'infini. Car qui a jamais entendu tous
les airs qui peuvent résulter de la différente combinaison des
tons ? Qui a jamais vu tout ce que peuvent présenter les
couleurs différemment nuancées ? Qui a jamais savouré tout ce
que les goûts différemment tempérés peuvent offrir d'agréable ou de
piquant ? On n'assigne cependant que cinq couleurs et cinq
sortes de goût.
Dans l'art militaire, et dans le bon
gouvernement des troupes, il n'y a certes que deux sortes de
forces ; leurs combinaisons étant sans limites, personne ne
peut toutes les comprendre. Ces forces sont mutuellement
productives et agissent entre elles. Ce serait dans la pratique une
chaîne d'opérations dont on ne saurait voir le bout, tels ces
anneaux multiples et entremêlés qu'il faut assembler pour former un
annulaire, c'est comme une roue en mouvement qui n'a ni
commencement ni fin.
Dans l'art militaire, chaque opération
particulière a des parties qui demandent le grand jour, et des
parties qui veulent les ténèbres du secret. Vouloir les assigner,
cela ne se peut ; les circonstances peuvent seules les faire
connaître et les déterminer. On oppose les plus grands quartiers de
rochers à des eaux rapides dont on veut resserrer le lit : on
n'emploie que des filets faibles et déliés pour prendre les petits
oiseaux. Cependant, le fleuve rompt quelquefois ses digues après
les avoir minées peu à peu, et les oiseaux viennent à bout de
briser les chaînes qui les retiennent, à force de se débattre.
C'est par son élan que l'eau des torrents se
heurte contre les rochers ; c'est sur la mesure de la distance
que se règle le faucon pour briser le corps de sa proie.
Ceux-là possèdent véritablement l'art de bien
gouverner les troupes, qui ont su et qui savent rendre leur
puissance formidable, qui ont acquis une autorité sans borne, qui
ne se laissent abattre par aucun événement, quelque fâcheux qu'il
puisse être ; qui ne font rien avec précipitation ; qui
se conduisent, lors même qu'ils sont surpris, avec le sang-froid
qu'ils ont ordinairement dans les actions méditées et dans les cas
prévus longtemps auparavant, et qui agissent toujours dans tout ce
qu'ils font avec cette promptitude qui n'est guère que le fruit de
l'habileté, jointe à une longue expérience.
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