L'art de la Guerre (Les Treize Articles)
voies.
Cependant si vous n'aviez qu'une petite armée,
n'allez pas mal à propos vouloir vous mesurer avec une armée
nombreuse ; vous avez bien des précautions à prendre avant que
d'en venir là. Quand on a les connaissances dont j'ai parlé plus
haut, on sait s'il faut attaquer, ou se tenir simplement sur la
défensive ; on sait quand il faut rester tranquille, et quand
il est temps de se mettre en mouvement ; et si l'on est forcé
de combattre, on sait si l'on sera vainqueur ou vaincu. À voir
simplement la contenance des ennemis, on peut conclure sa victoire
ou sa défaite, sa perte ou son salut. Encore une fois, si vous
voulez attaquer le premier, ne le faites pas avant d'avoir examiné
si vous avez tout ce qu'il faut pour réussir.
Au moment de déclencher votre action, lisez
dans les premiers regards de vos soldats ; soyez attentif à
leurs premiers mouvements ; et par leur ardeur ou leur
nonchalance, par leur crainte ou leur intrépidité, concluez au
succès ou à la défaite. Ce n'est point un présage trompeur que
celui de la première contenance d'une armée prête à livrer le
combat. Il en est telle qui ayant remporté la plus signalée
victoire aurait été entièrement défaite si la bataille s'était
livrée un jour plus tôt, ou quelques heures plus tard.
Il en doit être des troupes à peu près comme
d'une eau courante. De même que l'eau qui coule évite les hauteurs
et se hâte vers le pays plat, de même une armée évite la force et
frappe la faiblesse.
Si la source est élevée, la rivière ou le
ruisseau coulent rapidement. Si la source est presque de niveau, on
s'aperçoit à peine de quelque mouvement. S'il se trouve quelque
vide, l'eau le remplit d'elle-même dès qu'elle trouve la moindre
issue qui la favorise. S'il y a des endroits trop pleins, l'eau
cherche naturellement à se décharger ailleurs.
Pour vous, si, en parcourant les rangs de
votre armée, vous voyez qu'il y a du vide, il faut le
remplir ; si vous trouvez du surabondant, il faut le
diminuer ; si vous apercevez du trop haut, il faut
l'abaisser ; s'il y du trop bas, il faut le relever.
L'eau, dans son cours, suit la situation du
terrain dans lequel elle coule ; de même, votre armée doit
s'adapter au terrain sur lequel elle se meut. L'eau qui n'a point
de pente ne saurait couler ; des troupes qui ne sont pas bien
conduites ne sauraient vaincre.
Le général habile tirera parti des
circonstances même les plus dangereuses et les plus critiques. Il
saura faire prendre la forme qu'il voudra, non seulement à l'armée
qu'il commande mais encore à celle des ennemis.
Les troupes, quelles qu'elles puissent être,
n'ont pas des qualités constantes qui les rendent
invincibles ; les plus mauvais soldats peuvent changer en bien
et devenir d'excellents guerriers.
Conduisez-vous conformément à ce
principe ; ne laissez échapper aucune occasion, lorsque vous
la trouverez favorable. Les cinq éléments ne sont pas partout ni
toujours également purs ; les quatre saisons ne se succèdent
pas de la même manière chaque année ; le lever et le coucher
du soleil ne sont pas constamment au même point de l'horizon. Parmi
les jours, certains sont longs, d'autres courts. La lune croît et
décroît et n'est pas toujours également brillante. Une armée bien
conduite et bien disciplinée imite à propos toutes ces
variétés.
Article VII – De l’affrontement direct et
indirect
Sun Tzu dit : Après que le général aura
reçu du souverain l'ordre de tenir la campagne, il rassemble les
troupes et mobilise le peuple ; il fait de l'armée un ensemble
harmonieux. Maintenant il doit mettre son attention à leur procurer
des campements avantageux, car c'est de là principalement que
dépend la réussite de ses projets et de toutes ses entreprises.
Cette affaire n'est pas d'une exécution aussi facile qu'on pourrait
bien se l'imaginer ; les difficultés s'y rencontrent souvent
sans nombre, et de toutes espèces ; il ne faut rien oublier
pour les aplanir et pour les vaincre.
Les troupes une fois campées, il faut tourner
ses vues du côté du près et du loin, des avantages et des pertes,
du travail et du repos, de la diligence et de la lenteur ;
c'est-à-dire qu'il faut rendre près ce qui est loin, tirer profit
de ses pertes même, substituer un utile travail à un honteux repos,
convertir la lenteur en diligence ; il faut que vous soyez
près lorsque l'ennemi vous croit bien loin ; que vous ayez un
avantage
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