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Le Baiser de Judas

Le Baiser de Judas

Titel: Le Baiser de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Prolongeau
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femme de Césarée dont il avait fait sa maîtresse et
qui le renseignait sur les humeurs des bourgs dont il avait la charge ne lui
avait pas menti en lui rapportant que quelque chose s’était passé à Chorazim. L’air
à la fois effrayé et digne de ceux qu’il croisa, le sentiment que tout le monde
savait pourquoi il était venu et en même temps s’y était préparé, rien de tout
cela ne pouvait le tromper… Ce ne serait pas facile, mais il apprendrait la
vérité et pourrait appliquer une légitime punition.
    Ses intentions n’avaient pas échappé à son
second, Antonius, qui craignait le pire. Depuis huit mois qu’il servait sous
les ordres de ce chef à la fois brutal et incompétent, il avait mesuré la
fragilité du pouvoir romain dans cette région du monde parmi les plus instables
de l’Empire : deux provinces voisines, Judée et Galilée, d’abord parties
intégrantes du royaume d’Hérode, sujet de Rome, étaient passées après les
troubles qui avaient suivi sa mort, pour la Judée sous l’administration directe
de préfets romains et pour la Galilée sous la tutelle de son fils Hérode Antipas,
le tout étant soumis à l’autorité du légat romain tout-puissant de la Syrie
voisine. Rome était loin, le préfet Varus laissait faire et n’était pas trop
regardant sur la manière de mater les rébellions qui éclataient régulièrement. Antonius
n’avait jamais eu l’impression ici, comme en Gaule où il avait servi auparavant,
d’être en sécurité sur une terre réellement conquise, mais de rester un intrus
indésirable. Les efforts déployés par Flavius pour corrompre, acheter, pervertir
le milieu qu’il était censé contrôler avaient été vains. Si quelques hommes de
valeur avaient ainsi été recrutés, la plupart n’étaient que des aides de
seconde main, mal guidés par un troupeau de fonctionnaires ignares. La belle
machine romaine, quand on en regardait les rouages de près, ne brillait plus
guère, et les approximations, les erreurs, les trahisons y étaient aussi
nombreuses qu’ailleurs. La terreur que faisaient régner les puissantes légions
n’avait guère abouti qu’à ces trahisons qui s’épuisaient en intrigues de bas
étage.
    Dès l’entrée de la légion dans Chorazim, les
villageois s’étaient spontanément groupés devant les chevaux, en une attitude
mêlée de soumission et de révolte. De même qu’ils marquaient au Romain qui les
dominait de son cheval sa supériorité, ils l’empêchaient d’avancer. Flavius, qui
avait revêtu un long manteau pourpre d’où dépassaient les hautes jambières
attachées sous ses genoux et les plaques d’or qui garnissaient son pectoral, intima
à ses troupes l’ordre de s’arrêter et, sans descendre de sa monture, s’adressa
aux Juifs. Le vent charriait l’odeur d’absinthe qui montait des herbes proches.
Il se forçait à rester assis pour combattre les démangeaisons causées par la
gratte d’Orient, qui lui ravageait les fesses. De son casque à plumeau rouge
ruisselait la sueur.
    « Vous savez quoi, braves gens ? J’ai
appris hier quelque chose d’à la fois drôle et gênant. »
    À ses côtés, un traducteur retransmettait ses
paroles. C’était le fils d’un cultivateur de Gamala, qui avait appris la langue
des Romains à Césarée de Philippe, la ville où vivait Hérode Antipas.
    « Il paraîtrait que vous avez reçu avec
un rien de vigueur le contrôleur des impôts Zaïre et les trois soldats qui l’accompagnaient. »
    Un silence de plomb accueillit ses paroles.
    Il but une gorgée de posca, cette eau acidulée
au vinaigre qui seule permettait aux soldats romains de résister au soleil de
Palestine et, d’un coup, se mit à hurler.
    « Il n’y a qu’une chose que vous avez
oubliée, c’est que ce faisant vous avez insulté la grandeur de Rome. C’est là
une erreur que je ne saurais supporter. Vous allez payer de votre chair ce que
vous n’avez pas voulu payer avec vos sicles. J’exige le nom des coupables, ou
vous regretterez tous votre silence. »
    Puis il se calma, aussi vite qu’il s’était
énervé, et demanda au traducteur, qui s’était mis à le regarder l’air inquiet :
    « Vas-y, traduis-moi ça. »
    L’homme tenta d’atténuer la violence des
paroles du Romain. Il en bafouilla, et Flavius se tourna vers lui.
    « Tu traduis bien ce que je te dis ?
Il ne te viendrait pas à l’idée d’oublier quelques mots ?
    — Non, seigneur, non. »
    En

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