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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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et de retour sur le passé et sur lui-même. Des dispositions à prendre, des travaux à ordonner et les visites aux châteaux du voisinage dissipèrent peu à peu cette vague de nostalgie. Un émissaire enfin arriva porteur de nouvelles. Une tempête d'hiver avait dérouté les navires cinglant vers Nantes. Une frégate de la marine royale avait retrouvé le navire mouillé en baie de Quiberon, attendant l'autorisation de toucher terre dans le loch d'Auray.

    Quelques jours après, sur le quai du port de Saint-Goustan, il accueillait, à la coupée du Reprisal , un grand vieillard à bésicles à l'habillement presque rustique. Un bonnet de peau de renard couvrait sa tête à demi chauve. Il nota son maintien simple mais fier, son langage libre et sans détour. Durant les longues conversations qui ponctuèrent les étapes de la route, dont plusieurs jours de repos à Nantes, Nicolas demeura réservé dans ses propos, sachant par les rapports, notamment ceux de Naganda, son ami micmac, que l'Américain avait été, dans la dernière guerre du Canada, l'un des adversaires le plus constants et le plus acharnés des Français.
    L'envoyé en vint à observer que la guerre en Nouvelle-France avait imposé à l'Angleterre un effort financier colossal et qu'il eût été moins cher pour Pitt d'acheter la colonie plutôt que d'avoir à la conquérir. La révolution en cours, ajouta-t-il, mettra à coup sûr l'Angleterre dans l'état de faiblesse où elle ne sera plus à craindre en Europe. Le savant connaissait bien ce pays, ayant séjourné à Londres à cette époque. Certes, les temps avaient changé et les colonies américaines réclamaient de l'or, des armes et des alliances. Nicolas connaissait aussi les liens étroits de Benjamin Franklin avec les physiocrates et les loges maçonniques. Rien, dans tout cela, n'impliquait une naturelle propension vers la France, mais bien l'expression de l'intérêt froid d'une colonie rebelle désireuse de se libérer de l'étau économique de sa métropole. Il se révéla pourtant agréable compagnon de voyage, dévidant de son inénarrable accent des apologues philosophiques et des contes des plus plaisants. Durant les soupers, le vin aidant, il régala la compagnie de chansons écossaises et de morceaux d'harmonica, instrument de son invention. Tout au long du chemin, le plus âgé des deux petits-fils qui l'accompagnaient harangua Louis qui confia à son père l'avoir trouvé arrogant et agité ; quant au cadet d'environ sept ans, il fit montre de la plus constante mauvaise éducation.
    Il releva le col de son manteau – le froid humide du Grand Châtelet était réputé meurtrier – et reprit sa méditation. À la cour, il bénéficiait de la faveur du jeune roi qui, pourtant, n'accordait que malaisément sa confiance. Cette position le préservait des coups fourrés d'Albert successeur de Le Noir. Thierry, le premier valet de chambre du roi, l'avait pris en amitié et confortait le sentiment de son maître. La reine n'oubliait pas les échos favorables qu'elle avait recueillis d'une audience du marquis de Ranreuil à Vienne avec l'impératrice reine et marquait au cavalier de Compiègne reconnaissance de sa fidélité par des attentions prodiguées. Cette faveur lui avait permis de ne pas souffrir du retrait du duc de La Vrillière, ministre de la maison du roi, dont la main protectrice pesait sur sa tête, bridant les velléités hostiles du nouveau lieutenant général de police.
    Outre le fait d'être connu du roi depuis longtemps, la chasse n'avait pas compté pour rien dans la faveur de Nicolas. À l'automne, à Fontainebleau, un premier cerf lancé à Argentan s'était avéré fort rude. Le second revenait droit au château jusqu'au chenil pour de là sauter dans le mail. Deux meutes lâchées le forçaient jusqu'à la grande pièce d'eau vis-à-vis la cour des Fontaines. Le roi, suivi de Nicolas, avait servi la bête sous les yeux de la cour et de la ville accourues au spectacle. Plus récemment à Versailles, un cerf de taille prodigieuse, dissimulé dans la garenne, chargea au passage du roi. Son cheval, effrayé, fit un écart et le jeta à terre. Menacé de coups d'andouillers, il n'avait dû son salut qu'à l'intrépidité de Nicolas qui s'était interposé. Il avait été à son tour culbuté avant que l'animal ne s'en prenne à un piqueux. Ce n'est qu'aux abords de la porte du pont de Sèvres que la chasse s'était achevée. Ce jour-là, son nom, en premier,

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