le collier sacré de Montézuma
indécente cette hâte à envahir une demeure pleine de meubles et d’objets plus précieux les uns que les autres.
Ce n’était que trop vrai ! Spécialisé dans le XVIII e siècle français, Gilles Vauxbrun, nanti d’une confortable fortune, ne revendait pas, tant s’en fallait, toutes ses trouvailles. Il était ainsi entré en possession de plusieurs meubles aux signatures prestigieuses en provenance de Versailles ou des Trianon, avait décoré son hôtel du faubourg Saint-Germain avec un goût sans défaut. Marie-Antoinette, Louis XV le raffiné ou la Pompadour s’y fussent sentis chez eux sans peine.
— Il va falloir éclaircir ce mystère ! dit Mathieu. On vous trouve où, prince ? Chez M. Vidal-Pellicorne ou chez M me de Sommières ?
— Chez M me de Sommières… Et si vous pouviez en savoir un peu plus sur la famille de Doña Isabel, je vous en serais infiniment reconnaissant parce que, moi, je ne sais rien !
— Vraiment rien ?
— À part que M. Vauxbrun les a rencontrés à Biarritz, absolument rien ! Cela dit, j’ai l’impression qu’il faudrait que vous songiez à dégager ! Voilà un arrivage !
En effet, deux taxis encombrés de bagages venaient de s’arrêter dans la visible intention de pénétrer dans la cour.
— On y va ! cria Mathieu en sautant dans sa voiture.
Il démarra. Adalbert embraya à sa suite mais stoppa quelques mètres plus loin pour observer l’entrée des arrivants. La silhouette arrogante de Miguel Olmedo occupait le premier véhicule, puis le cortège disparut. Derrière eux, le concierge referma le portail de l’hôtel.
Aldo avait beau savoir que c’était seulement momentané, il éprouva un bizarre pincement au cœur : le sentiment d’être définitivement retranché de son plus vieil ami, celui qui lui avait mis le pied à l’étrier lorsque, à son retour de la guerre, il avait décidé de transformer son palais vénitien en magasin d’antiquités. Et c’était douloureux…
2
DANS LE BROUILLARD…
— Pouvez-vous m’en dire davantage ?
Tandis que les invités de M me de Sommières prenaient congé de leur hôtesse, Aldo avait emmené Mr Bailey dans le petit salon spiritualisé par deux bibliothèques d’ébène où il avait demandé qu’on leur apporte un supplément de café et une fine Napoléon dont il savait l’Anglais friand… Il fallait voir avec quelle sollicitude il chauffait entre ses mains le ballon de cristal.
— Davantage sur quoi ?
— Sur tout ! fit Morosini avec un geste d’impuissance. Et d’abord sur ce mariage dont je ne sais strictement rien. En dehors de sa lettre d’invitation reçue il y a environ un mois, je n’ai pu obtenir aucune explication. C’est à peine si nous avons échangé trois paroles en gare de Lyon et à la mairie ! Gilles ne se ressemblait plus. Il était une sorte de litanie vivante à la beauté intangible de sa fiancée et à l’exception des hautes vertus de la demoiselle, tout ce qu’il a consenti à m’apprendre est qu’il l’a rencontrée à Biarritz… et aussi qu’il a acheté un château ! C’est maigre, non ?
Le vieil Anglais reposa son verre, toussota et, les coudes appuyés sur les bras de son fauteuil, joignit les bouts de ses doigts tandis que ses traits distingués s’accordaient un semblant de grimace, comme s’il venait d’absorber une potion amère. Ce qui n’était évidemment pas le cas.
— Si, soupira-t-il. Et vous me voyez terriblement embarrassé parce que je crains de vous décevoir. Je n’en sais pas beaucoup plus que vous… sinon qu’à l’automne dernier M. Vauxbrun s’est rendu là-bas à l’occasion de la vente d’un domaine, qu’au lieu de deux ou trois jours il y est resté trois semaines, qu’à son retour il ne s’était pas contenté d’acheter une ou plusieurs « pièces » mais le château entier, qu’il allait se marier sous peu… et qu’il n’était plus le même homme…
— Pouvez-vous expliquer ?
— On aurait dit qu’il avait vu je ne sais quelle lumière. Saint Paul arrivant à Damas devait avoir ce genre de physionomie...
— Après sa rencontre sur le chemin, saint Paul était aveugle et l’est resté quelques jours, corrigea doucement Aldo.
— M. Vauxbrun avait dépassé ce stade-là. Il rayonnait positivement mais ne s’occupait plus guère de ses affaires. Quand il n’était pas au téléphone, il écrivait de longues… je dirais même d’interminables lettres
Weitere Kostenlose Bücher