le collier sacré de Montézuma
Au-dessus du layon où s’était engagée l’automobile, le ciel était clair. Le temps s’adoucissait depuis la veille et, à l’odeur des feuilles pourries, se mêlait un très léger, très subtil parfum d’herbe neuve.
Après quelques pas, on rejoignit un homme qui semblait attendre puis on obliqua sous les arbres jusqu’à une clairière laissée par une coupe récente. Trois nouveaux personnages étaient là : l’un d’eux assis sur une souche, les deux autres debout de chaque côté et probablement armés. Le chef à l’évidence, bien que rien ne le distinguât de ses compagnons. Tous, à l’exception du chauffeur, étaient vêtus de façon identique : longs manteaux noirs comme les feutres souples dont les bords, rejoignant les cols relevés, ne devaient laisser filtrer qu’un invisible regard. Même les mains se cachaient sous des gants. Agacé malgré lui par cette mise en scène où il croyait voir l’esquisse d’un tribunal, Aldo lança :
— Vous m’avez appelé. Je suis venu. Que voulez-vous ?
L’homme leva le bras :
— Causer ! Il y a une souche derrière vous. Vous pouvez vous y asseoir !
L’accent espagnol – ou mexicain ! – colorait le timbre d’une voix froide, jeune d’ailleurs, et Aldo pensa qu’il avait peut-être, en face de lui, ce Miguel rencontré à la mairie et à l’église sans qu’ils aient échangé la moindre parole et qui, depuis la cérémonie ratée, semblait s’être évaporé. Il recula, s’assit, chercha une cigarette et l’alluma sans que l’autre s’y opposât. Il en fut content. Le tabac anglais l’aidait à maîtriser ses émotions et plus que jamais il éprouvait la nécessité de se sentir l’esprit clair. Il tira une bouffée salutaire puis attaqua :
— Votre billet se réfère à la sauvegarde de mon ami Vauxbrun. Donc vous savez où il est ?
— Naturellement !
— Il va… bien ?
— Me croirez-vous si je vous dis oui ?
— Pas entièrement ! Il ne peut aller vraiment bien après ce qu’il a subi. Et comme je suppose que c’est de marchandage dont il va être question, vous comprendrez qu’avant d’apprendre ce que vous attendez de moi, j’aie besoin d’avoir une certitude ! Je veux le voir !
— Vous demandez l’impossible : il n’est plus à Paris, mais… j’ai ceci pour vous, ajouta l’étranger en sortant de sa poche une lettre qu’il fit porter par l’un de ses hommes. Vous aurez largement le temps de la lire plus tard et je pense qu’elle vous convaincra…
— Bien. Alors qu’exigez-vous pour le libérer ?
— Que vous retrouviez pour nous les émeraudes sacrées de Montezuma !
Une bouffée de colère remit Aldo sur ses pieds :
— Que je… mais si vous tenez Vauxbrun, vous les avez aussi puisque c’est lui qui les a volées, selon les dernières nouvelles !
— Il n’a volé qu’un faux… un faux grossier, mais l’état dans lequel il se trouvait le rendait incapable de le remarquer.
— L’état ? Quel état ?
— Disons… une certaine dépendance. Une beauté sans rivale, immaculée et qui semble inaccessible peut asservir un homme, le convaincre de ses insuffisances sans lui ôter complètement le sens du jugement. Il y faut un adjuvant… connaissez-vous le Mexique, Morosini ?
— Non.
— Il pousse dans les déserts du Nord une plante étrange qui ressemble à une pierre. On l’appelle le peyotl et, pour qui sait s’en servir, elle peut persuader un mendiant qu’il peut devenir l’égal d’un roi… ou du moins se permettre n’importe quelle folie. Votre ami y a goûté…
En dépit de la douceur relative de la nuit, Aldo sentit une sueur froide mouiller sa tempe. Adalbert avait raison en évoquant cette drogue inconnue dont les effets se révéleraient sans doute dévastateurs si l’on en usait trop longtemps. Mais il refusa de s’attarder sur l’image de Gilles réduit à l’état de loque humaine.
— Revenons à votre demande !
— Ce n’est pas une demande, c’est une injonction. Nous voulons récupérer ces émeraudes, les plus précieuses qui soient… et vous êtes le seul capable de cet exploit ! Vous voyez, ajouta-t-il, que l’on fait grand cas de vous !
— Je ne suis pas certain de me sentir flatté ! Je ne suis ni un magicien ni un prestidigitateur capable de sortir n’importe quoi d’un chapeau et je ne peux pas travailler sur du vent !
— C’est pourtant ce que vous ferez si vous voulez sauver
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