Le combat des Reines
est-ce pour cela que moi aussi je devais mourir ? s'enquit Isabelle
d'une voix vibrante de sarcasme.
Son
interlocutrice refusa de croiser son regard.
Je me tournai
vers Guido.
— Et vous,
Guido le Jongleur, Pierre Bernard, vous n'avez point fui la justice française.
Vous n'êtes pas un fidèle du roi, quoi que vous prétendiez. Vous êtes un membre
de haut rang des Secreti — la bande d'espions et d'assassins
de Philippe —, dépêché en Angleterre pour prêter main-forte à la reine
Marguerite. Vous en savez long sur le meurtre et l'on avait grand besoin de vos
talents. Vous vous faites passer pour l'ennemi de Marigny alors qu'en réalité,
vous êtes proche de son cœur. Vous jouez les trouvères, mais vous êtes un
Judas. Vous êtes ici pour protéger, soutenir et nourrir la grande entreprise de
Philippe. Mais rien sous le soleil n'est aussi facile que nous le voudrions :
même les princes rencontrent des écueils et des entraves. Votre mission
consistait à faire disparaître ces obstacles. Chapeleys fut le premier. Il
voulait s'échapper de la Tour pour négocier avec le monarque. Je ne pense pas
qu'il connaissait toute la machination, mais il avait appris où Langton avait dissimulé
son trésor et, peut-être, qu'il ne fallait point se fier à la reine douairière.
Quand il est venu ici, Chapeleys a apporté une preuve de ses allégations, que
son assassin a brûlée. Pour passer le temps, pourtant, il a pris un bout de
vélin, et, se servant de ce qu'il croyait être un code secret, a noté avec soin
ce qu'il avait l'intention de révéler.
— Mais...
commença Guido, incapable de trouver ses mots.
— Écoutez,
coupa Isabelle d'une voix sèche, ne plaidez pas, ne mentez pas. Messire, vous
aviez prévu de m'occire !
— Vous nous
avez accompagnés, Demontaigu et moi, à la Tour. Vous étiez le messager de votre
maîtresse auprès de Langton, qui, bien sûr, dit tout ignorer de la conspiration
de Philippe, bien qu'il puisse témoigner de votre trahison. Ce jour-là, vous
avez fait fonction de savant médecin et avez bavardé avec Langton tout en
soignant sa jambe, puis, pendant que ce dernier parlait à haute voix, vous vous
êtes approché sans bruit de l'huis et avez écouté Chapeleys me présenter sa
requête. Après son départ, vous m'avez suivie à la chapelle dédiée à saint Jean
l'Évangéliste. Vous soupçonniez sans doute déjà Demontaigu. Et vous avez fait
une découverte : non seulement Demontaigu était un templier, mais il avait
organisé une rencontre avec ses frères dispersés, le lendemain soir, à la
chapelle des Pendus.
— Onc ne
vous ai espionnés, bafouilla Guido.
— Oh, que
si ! Je suis retournée à la Tour, comme vous ne l'ignorez pas. J'ai quitté
la chambre de Langton, suis entrée derechef dans cette chapelle et me suis
remémorée les événements de cette première visite : j'avais devisé avec
Chapeleys puis m'étais rendue à la chapelle pour m'entretenir avec Demontaigu.
Vous êtes un excellent espion, maître Guido, habitué à tendre l'oreille, à être
aux écoutes, comme vous l'avez fait ce jour-là. Je parierais que vous avez
pressenti quelque chose en voyant le prêcheur sur le quai de la Tour, à sa
façon d'approcher Demontaigu qui s'est soudain retourné pour lui faire face.
Je ne lui
laissai pas le temps de répondre.
— Vous êtes
un clerc de la chancellerie secrète. Vous pouvez reconnaître un code, un
message caché, quand vous en entendez un. Finalement, vous vous êtes empressé
de rentrer prévenir Marigny. C'est lui et Alexandre de Lisbonne qui ont ourdi
l'assaut contre les templiers à la chapelle des Pendus. C'était vous qui deviez
vous occuper de Chapeleys et sur-le-champ...
Je m'arrêtai,
écoutai les bruits au-dehors et bus une rasade de pure eau de source à ma
coupe.
— ... vous
avez découvert que Chapeleys s'abritait chez Demontaigu. Le banquet royal
allait commencer. Vous avez pénétré dans le réduit réservé aux servantes, une
petite pièce mal éclairée où elles gardent leurs mantes et autres vêtements.
Vous en avez dérobé quelques-uns. Vous vous êtes déguisé en un tournemain. Vous
êtes un mime, Guido, capable d'interpréter différents rôles. Vous ne vouliez
pas être vu courant dans les cours du palais et dans les sombres escaliers.
Mais vous avez commis une erreur. Rebecca Atte- Stowe, une servante, vous a
dérangé. Vous avez tué la pauvre fille et avez poursuivi l'accomplissement
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