Le Fils de Pardaillan
porte qui se présenta à lui. Les verrous rouillés grincèrent bruyamment. Le caveau dans lequel il projeta sa lanterne était vide.
– Bon ! murmura-t-il, ce n’est pas dans celui-ci. Allons en face.
Alors, il s’étonna : les verrous avaient fait un bruit d’enfer. Comment se faisait-il que Jehan, qui devait les avoir entendus, ne donnait pas signe de vie ? Il réfléchit :
– Pardieu ! il doit croire qu’on vient l’occire à la douce, et, naturellement, il n’a garde de bouger. Seulement, moi, en lui ouvrant la porte, je risque fort de recevoir quelque mauvais coup qui m’enverra tout droit voir si l’autre monde est, comme on le prétend, meilleur que celui-ci.
Corpo di Cristo !
Je ne veux pas mourir avant lui, moi !
Pour éviter ce mauvais coup qu’il appréhendait, il se mit à crier de toutes ses forces :
– Eh ! Jehan, mon fils !… C’est moi !… Saêtta !… Où es-tu ? Et il ouvrit le deuxième caveau. Personne.
Avec une vague inquiétude, il se hâta d’ouvrir les deux autres caveaux en appelant toujours à pleine voix. Les quatre caveaux étaient vides.
– Voyons, voyons, gronda Saêtta effaré, je ne me trompe pas ?… C’est bien ici ?
Il visita minutieusement le couloir. Il n’y avait pas d’autres portes que ces quatre portes, pas d’autre caveaux que ces quatre caveaux, pas un recoin où un homme pût se dissimuler. Il dut se rendre à l’évidence. Jehan n’était pas là.
Il se remit à visiter les quatre caveaux un à un, comme s’il avait été permis de conserver le moindre doute. C’étaient quatre caveaux identiques, qui ne variaient que par les dimensions plus ou moins exiguës. Nus, vides, tous les quatre, sans un meuble, sans un accessoire.
Dans un de ces caveaux, un petit carré blanc, sur les dalles brunes, attira son attention. Il projeta la lumière dessus. C’était un morceau de papier. Il le ramassa et se mit à le lire machinalement, sans y attacher autrement d’importance, en murmurant seulement :
– Tiens ! c’est de l’italien !
Au fur et à mesure qu’il lisait, l’intérêt que lui causait cette lecture allait croissant. Sa main tremblait, ses yeux brillaient d’une joie extraordinaire. Quand il eut terminé, il s’écria :
– Ah ! par exemple, je veux que le diable m’enfourche si je m’attendais à faire pareille trouvaille ici !
Il faut croire que cette trouvaille avait une importance considérable à ses yeux, car il oublia Jehan et resta plongé dans une longue rêverie.
Enfin il plia soigneusement le papier en quatre et le glissa dans son pourpoint avec un sourire de satisfaction intense.
Ceci fait, il se remit à chercher Jehan. Il visita la maison de fond en comble et dut reconnaître l’inutilité de ses recherches.
Jehan n’était certainement pas dans la maison. Sans quoi il l’eût découvert. Sans oublier la recommandation de Léonora, il eut grand soin de ne laisser aucune trace de son passage, remit la lanterne et la clé à leurs places respectives et quitta les lieux, très déçu, sombre et préoccupé.
Lorsqu’il se fut engagé dans la rue de la Bûcherie, une ombre se détacha d’un coin sombre où elle se tenait blottie, en face de la petite maison, et se mit à le suivre de loin.
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Chapitre 28
C oncini, en reconduisant sa femme, avait laissé la porte du petit cabinet entrouverte. En effet, il avait déposé son manteau et son épée sur une chaise et il lui fallait nécessairement revenir les y prendre.
Dès qu’il fut hors de ce cabinet, où, sûr que nulle oreille indiscrète ne pouvait l’entendre, il venait de s’entretenir librement de choses terribles, un homme sortit de derrière une lourde portière de velours broché.
Avec un calme parfait, une aisance merveilleuse, comme s’il avait été chez lui, cet homme ferma à double tour la porte masquée par la portière et mit la clé dans sa poche.
Il jeta un coup d’œil sur la chaise qui supportait l’épée et le manteau du maître de la maison, il vit la porte entrebâillée et il murmura en souriant :
– Il va revenir ici. C’est parfait.
Il s’en fut jeter un coup d’œil par l’entrebâillement et vit Concini comme pétrifié, cramponné au battant de la porte extérieure. Et il s’en revint paisiblement au milieu du cabinet.
La porte s’ouvrait à l’intérieur. L’homme se plaça à côté, de façon à être masqué par le battant lorsque Concini reviendrait. Il s’aperçut
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