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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de
prophétiser.
    — Et de Cromwell, qu’advint-il ?
    — Il y avait tant de force en lui qu’à le voir je
l’eusse cru indestructible. Mais il mourut quelques semaines après ma visite.
    — Et qui furent vos hôtesses à Calais ?
    — Deux orphelines, Charlotte et Henriette.
    — Et cela se passa bien ?
    — M’amie, vous allez me faire passer pour un fat. Je
demeurerai donc là-dessus bouche cousue.
    — Votre bouche cousue en dit autant qu’un long
discours.
    — M’amie, je l’ai dit déjà. Les officiers du
cantonnement, pour éviter les conflits, ne logent jamais les officiers dans une
maison où il y a mari ou amant.
    — Tant est que les tigresses affamées se jettent comme
folles sur le nouveau venu.
    — Je n’ai pas dit cela.
    — Monsieur, ne vous hérissez pas ! D’ores en
avant, je resterai là-dessus bouche cousue. Dites-moi plutôt ce que vous pensez
du don de Dunkerque à l’Angleterre.
    — Notre belle Dunkerque livrée à ces puritains !
C’est à pleurer de rage !
    — Vous n’aimez donc pas les Anglais ?
    — Que si ! Ils ont de grandes qualités, mais ils
ont un gros, gros défaut : ils ne regardent pas les femmes dans les rues.
Beaux yeux, belle bouche, derrière dansant, tétins tantalisant, ils ne
regardent rien.
    — Cependant, ils font autant d’enfants que nous.
    — C’est qu’ils obéissent à leur Bible :
« Croissez et multipliez. »
    — Monsieur, je n’en crois pas un mot. Leur ascétisme
est d’apparence. Ils aiment leurs belles aussi fort que vous, mais pour ainsi
dire en se voilant la face.
    — Madame, après cette pétillante remarque, je ne peux
que vous laisser le privilège féminin du dernier mot.

 
CHAPITRE XVI
    Tandis que Turenne, après avoir pris Dunkerque, avait chassé
les Espagnols des places maritimes qu’ils avaient prises sur les côtes
françaises, Louis était tombé malade le six juillet 1658 à Mardick. Sans tant
languir on le ramena à Calais, tant son état paraissait grave. Il souffrait d’une
terrible migraine accompagnée d’une fièvre ardente et, ce qui inquiéta le plus
les médecins, on voyait des taches pourpres et des bouffissures apparaître sur
tout son corps.
    Le quina quina des jésuites fit baisser quelque peu
la fièvre sans faire disparaître la migraine et les taches. Il va sans dire
qu’on purgea et qu’on saigna sans le moindre résultat. Pis même, on essaya les
vésicatoires, qui n’eurent aucun résultat que d’ajouter des ampoules aux
bouffissures qui couvraient déjà le corps du malade. Les médecins du roi y
perdaient leur latin qu’ils savaient bien, et la médecine qu’ils savaient peu.
    Comme son mal empirait jour après jour, on jugea son corps
perdu et on commença à se préoccuper de son âme. Les prêtres apportèrent le
saint viatique, et Louis communia avec une parfaite sérénité.
    Les pimpreneaux et les pimpésouées de cour attendaient une
issue fatale, non qu’ils eussent quelque mauvaise dent à l’encontre de Louis,
mais être présents à la mort d’un roi était un événement si rare et de si grande
conséquence que c’était quasiment un honneur d’y avoir assisté. D’aucuns de ces
niquedouilles faisaient déjà la cour à Philippe, frère cadet de Louis, et son
successeur éventuel.
    Quand je la visitai, la princesse de Guéméné, qui était mal
allante et couchée, voulut néanmoins me recevoir à son chevet. À vrai dire,
toute languissante qu’elle parût, elle n’avait qu’une petite douleur au gaster,
dont elle se faisait une grande affaire, alors qu’elle aurait cessé de soi, si
elle avait consenti à se montrer moins gourmande.
    — Mon âne de médecin, dit-elle d’un ton plaintif,
s’obstine à me recommander de manger moins. C’est un grand fol. Je mange à ma
faim, voilà tout, et qu’importe, puisque je ne grossis pas, sauf des tétins qui
se sont quelque peu rondis.
    — Mais, Madame, qui s’en plaint ? Les Anglais
disent à juste titre qu’on n’a jamais trop d’une bonne chose.
    — Mais j’ai aussi le ventre qui me douloit.
    — Ne pensez-vous pas qu’il irait mieux, si je vous le
massais, ou mieux même si je me frottais à vous ventre contre ventre.
    — Monsieur, vous êtes sacrilégieux. Alors même que je
me meurs, vous me proposez des choses affreuses. Que dirais-je au Créateur, si
j’avais à me présenter demain à son tribunal, toute barbouillée des méchants
péchés que vous voulez

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