Le Huitième Péché
repartit le soir même pour Rome, soulagée.
Des experts en déminage de la brigade criminelle avaient examiné la Jaguar de Malberg sans y trouver ni bombe ni aucune trace de sabotage.
Lukas avait ensuite dû se soumettre à un interrogatoire délicat. Les recherches entreprises pour découvrir le mystérieux correspondant aboutirent au résultat suivant : l’appel téléphonique avait été effectué d’une cabine située dans la banlieue ouest de Francfort.
Caterina arriva fatiguée et épuisée à l’aéroport de Fiumicino. Mais sa fatigue s’envola tout à coup à la vue d’une bien étrange scène : deux hommes d’allure impeccable emmenaient tranquillement une femme qui se débattait. Ils sortaient avec elle du hall de l’aéroport. La scène était presque passée inaperçue dans la cohue des voyageurs.
Caterina elle-même n’y aurait guère prêté attention si elle n’avait pas vu le regard implorant que la femme lui avait lancé en passant à sa hauteur.
Or, cette femme n’était autre que la signora Fellini !
Sidérée, Caterina s’immobilisa. L’attitude de l’un des ravisseurs laissait deviner qu’il portait sous sa veste une arme braquée sur sa victime. Une Alfa Romeo aux vitres teintées attendait à la sortie. Les ravisseurs poussèrent la femme sur la banquette arrière du véhicule, qui démarra dans un crissement de pneus pour se perdre dans l’obscurité.
Pas besoin d’un grand esprit de déduction pour comprendre que la signora Fellini avait tenté de fuir de Rome. Elle savait qu’on surveillait le moindre de ses mouvements. Mais elle avait sous-estimé, semblait-il, l’étroitesse de cette surveillance.
En arrivant le lendemain au journal, Caterina n’avait pas assez dormi. Son humeur s’en ressentait. De toute manière, elle ne considérait désormais plus ce métier, qu’elle avait autrefois exercé avec enthousiasme, que comme un gagne-pain. Sa secrétaire, une quadragénaire en instance de divorce, qui s’intéressait essentiellement à la recherche d’hommes en mal de relation durable, la reçut avec l’incontournable cigarette du matin au bec et ces quelques mots :
— Le chef a appelé. Vous êtes attendue immédiatement dans la salle de rédaction.
Ce genre d’injonction ne disait rien qui vaille à Caterina, surtout à une heure pareille ; son humeur ne s’améliora pas. Derrière son énorme bureau, Bruno Bafile, le rédacteur en chef du Guardiano , recherchait dans les projets de gros titres étalés sous ses yeux celui qu’il allait choisir pour le prochain numéro.
L’air mauvais, il dévisagea Caterina à travers les verres épais de ses lunettes. C’était sa façon à lui de se faire respecter.
Au bout d’un moment, Bafile aborda le sujet pour lequel il avait fait venir Caterina :
— Si vous le souhaitez, vous pouvez reprendre votre ancien poste, marmonna-t-il avant de se replonger dans ses dossiers.
Caterina s’attendait à tout, sauf à cela. Elle lança un regard sceptique à son chef pour savoir si elle devait prendre ses paroles au sérieux. Mais Bafile ne cilla pas.
— Vous voulez dire que je peux reprendre mon job de reporter auprès de la police judiciaire ? demanda-t-elle, abasourdie.
— C’est tout à fait cela. Dans ce domaine, les bons reporters ne sont pas légion. Ces dernières semaines, ici, on ne pouvait que le constater.
De telles paroles dans la bouche d’un homme comme Bruno Bafile étaient un compliment, voire un éloge. En effet, la reconnaissance des talents n’était pas le fort du rédacteur en chef. Au contraire, il avait une fâcheuse tendance à épingler en public les faiblesses de ses collaborateurs.
Caterina ne savait trop comment interpréter les propos de Bafile. Il l’avait mutée, sans autre forme de procès, d’une minute à l’autre, dans un autre service. Que signifiait donc ce brusque revirement ?
L’étonnement de Caterina agaçait visiblement Bruno Bafile. Il se mit à brasser sans motif les feuilles étalées sur son bureau et lui dit, comme si les mots se bousculaient pour sortir de sa bouche :
— Il est possible que je ne me sois pas conduit correctement. Mais, croyez-moi, la pression était énorme. Pour être franc, je ne comprends toujours pas ce qui s’est passé.
Bafile enleva ses grosses lunettes pour nettoyer les verres avec son mouchoir.
— Vous ne croyez pas vous-même ce que vous me dites là ! rétorqua Caterina, étonnée de sa propre
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