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Le Huitième Péché

Titel: Le Huitième Péché Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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sans détacher les yeux des feux arrière du véhicule qui les précédait.
    — Si nous nous retrouvons dans le fossé, cela ne servira à personne, certainement pas à vous, et encore moins à notre sainte mère l’Église – si vous me permettez cette remarque, Éminence !
    — Balivernes !
    Gonzaga, accablé par la chaleur étouffante de cette nuit d’août, essuya dans la manche de sa veste noire la sueur qui perlait sur son crâne dégarni.
    Alberto l’observait dans le rétroviseur.
    — C’est à vous que revient l’idée de ce trajet en voiture banalisée, Éminence. Votre véhicule de service possède la climatisation. Dans votre situation, cela aurait été un confort non négligeable.
    — Inutile de me le rappeler !
    Le monsignor crut bon de se mêler à la conversation.
    — Oh oui ! Que cela aurait été bien, de voyager dans une limousine noire aux armes du Vatican ! Mieux encore, escortée par la police, avec les clignotements bleus des gyrophares, le tout étant annoncé au journal télévisé : Cette nuit, sur l’ autostrada qui relie Florence à Bologne, son Éminence le cardinal de la curie Philippo Gonzaga transportera …
    Le cardinal interrompit brutalement la tirade de son secrétaire.
    — Taisez-vous ! Plus un mot. Je ne me suis pas plaint. Nous avons décidé qu’il serait plus discret de quitter Rome dans une petite Fiat et de passer le Brenner de nuit. Basta  !
    — Je ne voulais pas vous contrarier, Éminence, s’excusa Alberto, avant que les trois hommes ne retombent dans le silence.
    Alberto taillait la campagne à cent soixante kilomètres/heure. Sur la banquette arrière, le cardinal scrutait à travers le pare-brise la route que les phares dessinaient devant eux.
    Soffici, un quadragénaire svelte, aux cheveux en brosse et aux lunettes à montures dorées, remuait les lèvres par moments, comme s’il marmonnait des prières à voix basse. De sa bouche s’échappaient des sons semblables à ceux d’un robinet qui goutte.
    — Vous ne pourriez pas prier en silence ? intervint le cardinal à bout de nerfs.
    Le monsignor, penaud comme un enfant qu’on aurait réprimandé, cessa aussitôt de remuer les lèvres.
    Après Modène, au moment où l’A1 continue vers l’ouest, en direction de Milan, et où l’A22 bifurque vers le nord, l’ Alléluia de Haendel couvrit subitement le ronronnement du moteur. La mélodie s’échappait de la poche intérieure du veston de Soffici. Le secrétaire, que la nervosité rendait maladroit, finit par extraire son téléphone portable de sa poche et regarda l’écran. Il se contorsionna pour tendre le petit appareil vers la banquette arrière.
    — Pour vous, Éminence !
    Gonzaga, qui avait l’esprit ailleurs, tendit la main sans regarder son secrétaire.
    — Donnez !
    Puis il pressa l’appareil contre son oreille.
    —  Pronto  !
    Il écouta un long moment avant de répondre :
    — J’ai compris le mot de passe. J’espère que nous pourrons respecter l’horaire. J’ajoute que je me fais l’effet d’une momie égyptienne, j’ai l’impression d’être ce…
    Il hésita. Soffici lui vint en aide.
    — Toutankhamon.
    — C’est cela même. Toutankhamon. Loué soit le Seigneur !
    Le cardinal Gonzaga rendit le téléphone.
    — Si les choses tournent mal, vous n’aurez qu’à télécharger une autre mélodie sur votre mobile, dit-il sur un ton sarcastique.
    Le secrétaire se retourna vers lui.
    — Et que pourrait-il arriver de pire, désormais, Éminence ?
    Gonzaga leva les bras au ciel, comme s’il allait entonner un Te Deum , mais ses propos fleuraient plutôt le blasphème :
    — Ces derniers temps, nous avons mis Notre-Seigneur Jésus-Christ un peu trop à contribution. Je ne serais pas étonné de voir, au tout dernier moment, notre entreprise échouer.
    Les trois passagers se turent un long moment. Puis Gonzaga murmura, comme si quelqu’un avait pu espionner leur conversation :
    — Le mot de passe est « Apocalypse 20,7 ». Alberto, vous m’avez compris ?
    — « Apocalypse 20,7 », répéta le chauffeur en hochant la tête. Quand sommes-nous attendus ?
    — À trois heures trente. En tout cas avant le lever du jour.
    —  Madonna mia  ! Comment vais-je y arriver ?
    — Avec l’aide de Dieu… et de la pédale d’accélérateur !
    L’autoroute traversait la plaine du Pô en une interminable ligne droite propice à la somnolence, quand on roule à grande vitesse, de

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