Le Huitième Péché
les policiers à la recherche d’une arme eurent fini de le fouiller de haut en bas. Je suis le chauffeur de son Éminence le cardinal Gonzaga de la curie.
— Ben voyons… rétorqua le chef du trio. Et moi, je suis l’Empereur de Chine. Papiers !
Alberto fit un signe en direction du coffre. Le chef lâcha sa victime pour se diriger vers l’arrière du véhicule. Il éclaira brièvement l’intérieur de la voiture et sursauta.
— Il est mort ? demanda-t-il en se tournant vers Alberto. Là, lui !
— C’est le cardinal Gonzaga !
— Vous me l’avez déjà dit, on y reviendra plus tard. Cet homme paraît vraiment être mort.
— Il a ses raisons.
— Je ne demande qu’à les entendre.
Le cardinal avait suivi, par la porte avant entrouverte, l’échange verbal entre le policier et son chauffeur. Il leva solennellement la main droite.
Le fonctionnaire recula d’un pas.
— J’aurais vraiment juré qu’il était mort, dit-il à ses collègues.
Alberto dut ensuite ouvrir le coffre sous l’œil vigilant des deux carabiniers postés de part et d’autre du véhicule.
— Madonna ! s’exclama l’un d’eux, un grand type dégingandé qui dépassait les autres d’une bonne tête. Ce devait être le chef du commando d’intervention. En tout cas, il ne s’attendait certainement pas à trouver dans le coffre de la petite Fiat une étole pourpre soigneusement pliée sur une soutane noire gansée d’un passement rouge, tout aussi soigneusement pliée, le tout assorti d’une petite calotte de la même couleur pourpre.
Alberto sortit d’un porte-documents en maroquin rouge un passeport où figurait en lettres d’or la mention : Cité du Vatican . Il le tendit au carabinier. Celui-ci jeta un regard désemparé à ses collègues, puis, voyant qu’ils maintenaient leurs armes pointées sur les passagers de la Fiat, il leur ordonna sans desserrer les dents de baisser les canons.
Certes, la photo sur le passeport du cardinal datait un peu – le temps n’épargne personne, pas même un cardinal –, mais l’authenticité du document ne pouvait en aucun cas être mise en doute. Nom : S. E. Philippo Gonzaga, cardinal de la curie, domicile : Cité du Vatican.
Le policier écarta ses collègues et se mit au garde-à-vous devant la lunette arrière derrière laquelle Gonzaga restait toujours figé dans la même position.
— Mes excuses, Éminence ! cria le carabinier à travers la vitre close. Mais je ne pouvais pas savoir que votre Éminence circulait dans une vieille Fiat. Je n’ai fait que mon devoir…
Gonzaga jeta un regard méprisant au policier dépité, descendit la vitre juste assez pour y passer la main et exiger que son passeport lui fût rendu. Le carabinier le lui tendit du bout des doigts avec déférence. Il le salua, puis, d’un mouvement énergique de la tête, ordonna à ses collègues de disparaître.
— Nous voici tirés d’affaire pour cette fois, soupira Alberto en s’écroulant sur le siège du conducteur.
2
Ce lundi-là, le train de nuit reliant Munich à Rome arriva avec du retard à la Stazione Termini. Non seulement Malberg avait mal dormi, mais le petit-déjeuner servi par le contrôleur des wagons-lits était infect.
De fort mauvaise humeur, Malberg parcourut le quai en traînant sa valise. Dans un italien irréprochable, il indiqua son adresse au chauffeur de taxi :
— Via Giulia 62. Hôtel Cardinal. Per favore .
C’était une erreur, car l’homme en profita pour raconter sa vie à cet étranger qui parlait si bien sa langue. Malberg ne retint rien de l’ennuyeux récit si ce n’est l’existence de cinq filles.
L’hôtel était situé à proximité de la Piazza Navona, dans le quartier des antiquaires et des bouquinistes. Malberg était déjà descendu quelques fois ici. À la réception aux murs tendus de tissu rouge, le concierge l’accueillit donc avec force amabilités.
Une fois dans sa chambre, il défit sans entrain sa valise – faire et défaire ses bagages l’insupportait –, puis il prit le téléphone et composa un numéro de portable à onze chiffres.
Il attendit un bon moment avant que l’on décroche.
— Allô ? répondit une voix ensommeillée.
— Marlène ?
Malberg hésita.
— Lukas, c’est toi ? Où es-tu ? Quelle heure est-il ?
— Une question après l’autre ! dit Malberg joyeusement. Oui, c’est moi. Je viens d’arriver à l’hôtel Cardinal. Il est dix heures vingt-cinq.
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