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Le Huitième Péché

Titel: Le Huitième Péché Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philipp Vandenberg
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misère du monde. En tant que préfet du Conseil pour les affaires publiques de l’Église, il revenait à Sawatzki la tâche ingrate de transcrire en langage compréhensible par tout un chacun les décisions solitaires de sa Sainteté. Mais il lui incombait également d’étouffer dans l’œuf les polémiques susceptibles de dégénérer, à propos par exemple du prépuce de Notre-Seigneur Jésus, ou de son Ascension, car il est réputé être monté aux cieux corps et âme, en emportant avec lui l’intégralité de sa personne, et pourtant certaines parties de lui sont encore vénérées sur terre comme autant de reliques.
    Assis tout près du préfet, mais à cent lieues de telles pensées blasphématoires, Archibald Salzmann fixait en faisant la moue la table sombre d’où s’élevait une odeur tenace de cire. Salzmann était rentré à la curie par la petite porte, ce qui lui valait de nombreux envieux du côté du clergé, et s’était hissé au rang de pro-secrétaire pour l’Éducation en dépit de sa jeunesse – il avait à peine la soixantaine.
    Il était donc responsable de l’ensemble des universités catholiques et des institutions d’enseignement. Il ne serait même pas venu à l’idée de ceux qui l’enviaient de contester son incroyable culture universelle.
    John Duca avait pris place en face de lui, dos aux fenêtres. Le directeur de l’IOR, vêtu comme à l’accoutumée de flanelle grise, un petit sourire ironique au coin des lèvres – une expression qui le distinguait nettement des autres soutanes noires – semblait plutôt s’ennuyer.
    À la droite de Duca se tenait le professeur Jack Tyson, fils du célébrissime professeur de Harvard John Tyson, qui avait mis le Vatican en difficulté en proposant d’échanger le linceul de Turin contre une copie ; il faisait passer le temps en pianotant sur la table. Une oreille fine aurait pu reconnaître facilement l’air du Pont de la rivière Kwaï.
    Ce petit bruit agaçait le monsignor Abate, secrétaire privé du cardinal Bruno Moro, qui avait pris place à côté de Tyson, devant une pile de feuilles blanches, armé d’un crayon noir bien taillé afin de consigner la moindre phrase qui serait énoncée autour de cette table. Le cardinal était en effet d’avis que seuls les écrits restaient. Abate gratifia Tyson d’un regard noir qui ne fut suivi d’aucun effet ; il secoua alors la tête avec une telle véhémence que le professeur arrêta de tambouriner et éleva même la main en guise d’excuse.
    Mis à part Tyson, fraîchement arrivé du Massachusetts en avion pour assister à ce colloque, et autorisé pour la première fois de sa vie à jeter un regard derrière les murailles léonines, toutes les personnes présentes partageaient une farouche aversion pour le cardinal secrétaire d’État Philippo Gonzaga.
    La voix enrouée de Moro interrompit le silence tendu qui régnait dans la pièce. Il quitta son bureau pour s’installer au bout de la longue table :
    — Si je vous ai priés de venir ici à cette heure tardive, c’est parce qu’un crime monstrueux a été perpétré entre ces murs.
    Le cardinal fit un signe autoritaire au préfet des archives secrètes.
    Le visage de Sacchi se renfrogna encore un peu plus et il marmonna sans lever les yeux :
    — Le suaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le suaire original, a disparu de la salle des coffres.
    Frantisek Sawatzki se leva d’un bond et s’écria, au comble de l’agitation :
    — Qu’entendez-vous par « disparu », mon frère ? Auriez-vous la bonté de vous exprimer avec plus de précision ?
    — « Disparu » signifie qu’il n’est plus là ! répondit le préfet des archives secrètes en levant les yeux.
    — Un moment, intervint Archibald Salzmann. Les archives secrètes du Vatican sont, autant que je sache, aussi protégées que la Banque d’Angleterre. Il n’y a que trois personnes sur cette planète qui aient librement accès à ces salles. Ce sont sa Sainteté, le cardinal secrétaire d’État Gonzaga, et vous, monsignor, en votre qualité de directeur des archives secrètes. Cela réduit considérablement le nombre de suspects, ne pensez-vous pas ?
    Sacchi hocha énergiquement la tête et promena un regard désemparé sur l’assistance ; ses montures de métal brillaient, comme pour repousser les regards hostiles et réprobateurs qui étaient braqués sur lui.
    — Je me trouve confronté à une énigme. J’ignore comment

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