Le Huitième Péché
mystérieuse.
Pendant que le chauffeur de taxi se frayait un chemin à travers la circulation dense du matin, Caterina ne pouvait s’empêcher de penser que Lorenza Falconieri pouvait même avoir été mêlée, d’une manière ou d’une autre, à l’assassinat de Marlène. Ne serait-ce qu’en tant que complice. Mais pour quelle raison ?
Un vent froid soulevait de petits nuages de poussière sur le parking devant le bâtiment lugubre en briques, dont l’architecture martiale était déjà impressionnante en soi. L’entrée de la prison était très étroite, comparée aux dimensions des bâtiments auxquels elle donnait accès. Ce détail répondait certainement à une volonté délibérée. Toujours est-il que Caterina ressentit une certaine angoisse lorsque la porte d’entrée se referma derrière elle.
Elle se retrouva dans le sas d’entrée devant un guichet avec une vitre blindée, percée d’une ouverture ovale, surmontée de la consigne : Parler ici . Caterina exposa sa requête : elle désirait parler à la marquise Falconieri.
Une matrone à lunettes, aux cheveux coupés très court, boudinée dans une espèce d’uniforme, aboya dans le judas :
— Parente ?
Caterina, qui s’attendait à cette question, répondit sur le même ton :
— Au deuxième degré.
La matrone lui jeta un regard perplexe à travers la vitre blindée.
— Ma mère et la sœur de la marquise sont de la même famille.
La femme en uniforme réfléchit un instant, du moins donna-t-elle cette impression, avant de tendre par l’ouverture ovale un formulaire à Caterina, en lui demandant avec une politesse subite :
— Merci de remplir ceci. Et donnez-moi votre carte d’identité, s’il vous plaît.
Caterina s’exécuta, puis une commande actionnant l’ouverture automatique grésilla à côté du guichet. Elle put alors entrer. Une autre femme en uniforme l’attendait derrière une table, dans une pièce aveugle carrelée de blanc et éclairée par un néon éblouissant. Elle lui ordonna de poser son sac sur la table.
Puis elle passa le long du corps de Caterina un instrument qui ressemblait à une raquette de tennis. Elle finit par faire entrer Caterina dans un long corridor où une autre surveillante l’attendait. Contre toute attente, cette dernière lui fit un signe de tête amical et la pria de la suivre.
Le parloir se trouvait au sous-sol. Il était éclairé par deux ouvertures étroites en pavés de verre, pratiquées dans le plafond. L’ameublement se réduisait à une table et deux chaises, ainsi qu’une autre chaise qui se trouvait à côté de la porte, laquelle était dépourvue de poignée. Caterina s’assit à la table.
La marquise arriva un bon moment après.
— Vous ? dit-elle, étonnée. Vous êtes la dernière personne que je m’attendais à voir !
La marquise portait une jupe gris-bleu et un corsage de la même couleur, dont se dégageait une odeur de désinfectant. Elle avait relevé à la hâte ses cheveux en chignon. Elle semblait pâle et résignée.
— Je suis ici pour parler de Marlène Ammer, déclara Caterina tout de go.
— Alors vous êtes venue pour rien ! répliqua aussitôt la marquise, de mauvaise humeur, en feignant de se lever pour quitter la pièce.
Caterina posa son bras sur celui de la marquise.
— Marquise, je vous en prie !
— Je ne veux plus rien avoir à faire avec les journalistes, jeta Lorenza Falconieri d’un ton acerbe. Je n’ai eu que de mauvaises expériences avec eux, vous comprenez ?
— Marquise, je ne viens pas en tant que journaliste, mais à titre privé. Je vous prie de me croire !
— Qu’entendez-vous par « à titre privé » ?
— Vous souvenez-vous de Lukas Malberg ?
— Le bouquiniste allemand ? dit la marquise avec un sourire sardonique. Comment pourrais-je l’oublier ? C’est à lui que je dois tout ce bordel !
Caterina tressaillit. Elle ne s’attendait pas à tant de vulgarité de la part de la marquise.
— Vous faites erreur, s’empressa-t-elle néanmoins d’ajouter. Malberg n’est pour rien dans toute cette affaire. C’est un collectionneur de livres répondant au nom de Jean Andres qui a tout déclenché. Il a prétendu que vous aviez tenté de lui vendre des livres appartenant à sa propre collection, lesquels avaient disparu depuis six ou sept ans à la suite d’un cambriolage. Il a pu apporter la preuve de ce qu’il avançait en produisant des photos.
— Jean Andres !
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