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Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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d’or.
    Charles IV allait présider son
dernier conseil, dit « conseil dans la chambre du roi », puisqu’il
était censé gouverner encore ; son règne ne serait officiellement terminé
que le lendemain à l’instant où son corps descendrait dans la tombe, à
Saint-Denis.
    Robert d’Artois avait pris l’évêque
anglais sous son aile, tandis qu’on attendait les retardataires.
    — En combien de temps êtes-vous
venu ? Douze jours depuis York ? Vous n’avez pas traîné à chanter
messe en route, messire évêque… un vrai train de chevaucheur !… Votre
jeune roi, a-t-il eu de joyeuses noces ?
    — Je le pense. Je n’ai pu y
prendre part ; j’étais déjà sur mon chemin, répondit l’évêque Orleton.
    Et Lord Mortimer, était-il en bonne
santé ? Grand ami, Lord Mortimer, grand ami, et qui parlait souvent, au
temps où il était réfugié à Paris, de Monseigneur Orleton.
    — Il m’a conté comment vous le
fîtes évader de la tour de Londres. Pour ma part, je l’ai accueilli en France
et lui ai donné les moyens de s’en retourner un peu plus armé qu’il n’était
arrivé. Ainsi nous avons fait chacun la moitié de la besogne.
    Et la reine Isabelle ?
Ah ! la chère cousine ! Toujours d’aussi grande beauté ?
    Robert ainsi amusait le temps, pour
empêcher Orleton de se mêler aux autres groupes, d’aller parler au comte de
Hainaut ou au comte de Flandre. Il connaissait Orleton de réputation, et s’en
méfiait. N’était-ce pas l’homme que la cour de Westminster utilisait pour ses
ambassades auprès du Saint-Siège, et l’auteur, à ce qu’on disait, de la fameuse
lettre à double sens : « Eduardum occidere nolite timere bonum est… » dont Isabelle et Mortimer s’étaient servis pour ordonner l’assassinat
d’Édouard II ?
    Alors que les prélats français
avaient tous coiffé leur mitre, Orleton portait simplement son bonnet de voyage,
en soie violette, à oreillettes fourrées d’hermine. Robert nota ce détail avec
satisfaction ; cela retirerait de l’autorité à l’évêque anglais quand il
prendrait la parole.
    — C’est Monseigneur Philippe de
Valois qui va être régent, murmura-t-il à Orleton comme s’il confiait un secret
à un ami.
    L’autre ne répondit pas.
    Enfin la dernière personne attendue
pour que le Conseil fût au complet entra. C’était la comtesse Mahaut d’Artois,
seule femme convoquée à cette assemblée. Elle avait vieilli, Mahaut ; ses
pas semblaient haler avec peine le poids de son corps massif ; elle
s’appuyait sur une canne. Son visage était rouge sombre sous les cheveux tout
blancs. Elle adressa de vagues saluts à la ronde, alla asperger le mort, et
vint s’asseoir, lourdement, à côté du duc de Bourgogne. On l’entendait haleter [4] .
    L’archevêque-primat Guillaume de
Trye se leva, se tourna d’abord vers le cadavre du souverain, fit le signe de
croix, lentement, puis demeura un moment en méditation, les yeux vers les
voûtes comme s’il demandait l’inspiration divine. Les chuchotements s’étaient
arrêtés.
    — Mes nobles seigneurs,
commença-t-il, quand la succession naturelle fait défaut à la dévolution du
pouvoir royal, celui-ci retourne à sa source qui est dans le consentement des
pairs. Telle est la volonté de Dieu et de la Sainte Église, laquelle en fournit
l’exemple par l’élection de son suprême pontife.
    Il parlait bien, Monseigneur de
Trye, avec une belle éloquence de sermon. Les pairs et barons ici conviés
allaient avoir à décider de l’attribution du pouvoir temporel dans le royaume
de France, d’abord pour l’exercice de la régence et ensuite, car sagesse veut
de prévoir, pour l’exercice de la royauté même, dans le cas où la très noble
dame la reine faillirait à donner un fils.
    Le meilleur d’entre les égaux, primus
inter pares , tel était celui qu’il convenait de désigner, et le plus proche
aussi de la couronne, par le sang. N’était-ce pas de comparables circonstances
qui avaient conduit autrefois les pairs-barons et les pairs-évêques à remettre
le sceptre au plus sage et au plus fort d’entre eux, le duc de France et comte
de Paris, Hugues Capet, fondateur de la glorieuse dynastie ?
    — Notre défunt suzerain, pour
ce jour encore auprès de nous, continua l’archevêque en inclinant légèrement sa
mitre vers le lit, a voulu nous éclairer en recommandant à notre choix, par
testament, son plus proche cousin, prince très

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