Le méridien de Paris - Une randonnée à travers l'histoire
par l’incertitude, en place aurait été liquidé à cause d’un complot surtout quand un député gaulliste de premier
fomenté par les défenseurs d’une Algérie
plan publie un article dans les journaux,
française et par l’armée française sur place, appelant à se tenir prêt, car « le drame sera tous soutenus par les fidèles du général.
peut-être pour demain. Des escadrons de la
Quoi qu’il en soit, la guerre d’Algérie se poursuit mort ont passé la frontière espagnole, une liste et la crainte que la France ne finisse par se de personnalités à éliminer a été dressée. »
retirer de la colonie donne naissance à
toutes sortes de groupuscules fascistes
La pression monte
fanatiques. Un certain Jean-Marie Le Pen
François Mitterrand commet une erreur
est lui aussi déjà actif à l’époque. Le
cruciale. Il ne va pas voir la police. Même
gouvernement gaulliste tend à vouloir régler
ses amis ne sont pas mis au courant. On
leurs comptes à ses opposants déclarés
peut le comprendre. Le climat de l’époque
dont Mitterrand. Le climat politique est
donnait à Mitterrand toutes les raisons
extrêmement tendu et malsain. Les rumeurs
d’être méfiant. Une protection policière
d’attentats et de complots se multiplient.
aurait permis à ses opposants politiques
Mitterrand apprend qu’il court un risque. Il
d’être en permanence au courant de ses
est informé de ces menaces par Robert
moindres faits et gestes. Nous sommes le
Pesquet, un poujadiste, comme on appelle
15 octobre 1959, le conditionnement psy-
alors les populistes d’extrême-droite. Ce
chologique de François Mitterrand est au
dernier a été élu député malgré des poursuites point. Il a encore croisé Pesquet dans les
pénales pour escroquerie. Il semblerait
couloirs du Sénat, celui-ci lui affirme que
l’attentat pouvait avoir lieu à tout moment.
Que s’il se rendait compte de quelque chose
de suspect, il devrait éviter de rentrer chez lui. Qu’il ne trouverait aucun abri dans sa
rue et qu’il ferait mieux alors de se cacher
dans les buissons du jardin de
l’Observatoire. L’homme politique de
quarante-trois ans, qui avait été le plus
jeune ministre de l’histoire, devient
nerveux. À tout hasard, il va lui-même
chercher son fils à l’école, et le soir, il dîne chez un ami proche, Georges Dayan. Vers
vingt-trois heures, avant de rentrer chez lui, 44
L e M é r i d i e n d e P a r i s
il fait un détour par la célèbre brasserie Lipp où il compte parmi les habitués. Il y a un
vague rendez-vous avec Pesquet afin
d’avoir d’éventuelles dernières nouvelles.
Mais Pesquet n’est pas là. Mitterrand
remonte dans sa Peugeot 403 et emprunte la rue de Seine. « Au début de la rue de
Seine, une voiture colle la mienne contre
le trottoir, raconte-t-il quinze ans plus tard à son biographe Franz-Olivier Giesbert. Je
deviens vigilant. Arrivé en haut de la rue de Tournon, devant le Sénat [voir aussi entre
les médaillons 75 et 76], je me rends compte
qu’elle me suit toujours. Au lieu de tourner à droite, pour aller chez moi (rue Guynemer),
Jardin de l’Observatoire, le refuge de François Mitterrand.
je prends la rue de Médicis, à gauche, his-
droite » et de « coiffer son rival politique Mendès toire de me donner le temps de réflexion. Au
d’une courte tête » dans l’opinion publique.
square Médicis, voilà que la voiture
L’affaire aura des répercussions énormes.
cherche à nouveau à me coincer. Alors là,
Du jour au lendemain, Mitterrand est la risée mes derniers doutes se dissipent, je mets
du monde politique. Ses « amis », le socialiste les pleins gaz et leur prends quelques
Guy Mollet en premier, le laissent tomber.
mètres sur le boulevard Saint-Michel. Je
Le Sénat retire à Mitterrand son immunité
tourne brusquement rue Auguste-Comte
parlementaire et il est mis en examen pour
[médaillon 54], saute de ma voiture au
« outrage à magistrat », commis « en
square de l’Observatoire et, vite fait, je cours amenant la police à entreprendre des
dans les jardins où je me jette à terre. » Il est recherches sans intérêt alors qu’il lui cachait un minuit quarante-cinq, une voiture freine dans élément valable d’information qu’il possédait. »
un crissement de pneus, neuf tirs de mitrail-
lette claquent, autant d’impacts de balles
Il n’y eut jamais de procès, les charges
seront par la suite
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