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Le pays de la liberté

Le pays de la liberté

Titel: Le pays de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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mère.

    Lizzie était déçue. Jay semblait avoir provisoirement perdu son audace.
    Elle n'allait pourtant pas se
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    laisser arrêter par cela. S'il ne voulait pas l'emme ner, elle irait seule.
    Lizzie ajusta sa perruque et son chapeau et se regarda dans le miroir. Elle vit le reflet d'un jeune homme. Le secret, c'était de s'être légèrement bar bouillée de suie : cela lui noircissait les joues, h gorge, le menton et la lèvre supérieure, en lui don nant l'air d'un homme qui venait de se raser.
    Pour le corps, c'était facile. Un épais gilet lui apla tissait la poitrine.
    Les pans de son manteau dissimulaient les courbes arrondies de ses hanches, et des bottes qui montaient jusqu'aux genoux couvraienl ses mollets. Le chapeau et la perruque masculine complétaient l'illusion.
    Elle ouvrit la porte de sa chambre. Sa mère et elle occupaient une petite maison dans le jardin de la propriété de Sir George à Grosvenor Square.
    Mère faisait la sieste après le déjeuner. Lizzie tendit l'oreille, au cas o˘ l'un des domestiques de Sir George circulerait dans la maison, mais elle n'entendit rien. Elle descendit l'escalier à pas de loup et se glissa par la porte dans la petite allée qui passait derrière la propriété.
    C'était un jour froid et ensoleillé à la fin de l'hiver. quand elle arriva dans la rue, elle se souvint de marcher comme un homme, en prenant beaucoup de place, en balançant les bras et en avançant d'un air conquérant comme si le trottoir lui appartenait.
    Elle ne pouvait pas se pavaner comme ça durant tout le trajet jusqu'à
    Shadwell, qui était à l'autre bout de Londres, à l'est de la ville. Elle héla une chaise à porteurs. Les porteurs s'arrêtèrent pour poser leur chaise par terre. Elle s'éclaircit la gorge, cracha dans le caniveau et dit d'une voix rauque : Ćonduisez-moi à la taverne du Pélican, et au trot. ª
    Ils l'emmenèrent plus loin à l'est qu'elle n'était jamais allée, par des rues de plus en plus étroites, en passant devant des maisons de plus en plus sordides,
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    jusqu'à un quartier de ruelles humides, de grèves boueuses, de quais branlants, de hangars à bateaux vermoulus, de chantiers de bois entourés de hautes clôtures et d'entrepôts délabrés aux portes fermées par des chaînes.
    Ils la déposèrent devant une grande taverne sur le quai, avec l'image d'un pélican sommairement barbouillée sur son enseigne en bois. La cour était pleine de gens bruyants et excités : des ouvriers, des gentlemen portant gilet, de pauvres femmes en ch‚le et en sabots et quelques-unes au visage peint et aux seins à découvert qui, se dit Liz-zie, devaient être des prostituées. Il n'y avait pas ce que sa mère aurait appelé des femmes ´de qualitéª.
    Lizzie paya son droit d'entrée et se fraya un chemin au milieu de la foule.
    Il régnait une puissante odeur de sueur et de crasse. Les femmes gladiateurs étaient au beau milieu de leur combat. Trois d'entre elles s'étaient déjà retirées de la mêlée, blessées. Les quatre dernières s'escrimaient sur un ring entouré de cordes en tentant de s'assommer les unes les autres avec des matraques en bois de trois pieds de long. Elles étaient nues jusqu'à la taille, pieds nus et vêtues de jupes en haillons.
    Elles avaient le visage et le corps couverts de meurtrissures et de cicatrices. Une bonne centaine de spectateurs acclamaient les meilleurs coups et quelques-uns prenaient des paris sur l'issue de la rencontre.
    Lizzie observait la scène avec une fascination horrifiée. Bientôt une autre femme reçut un coup violent sur la tête et s'abattit, sans connaissance. Le spectacle de son corps à demi nu gisant sur le sol boueux écúura Lizzie.
    Elle tourna les talons.
    Elle entra dans la taverne, frappa du poing sur le comptoir et dit au barman : Úne pinte de bière forte, Jack. ª C'était merveilleux de s'adresser aux gens avec une telle arrogance. Si elle agissait ainsi vêtue en femme, chaque homme qu'elle interpellerait se sentirait le droit de la réprimander, même si c'étaient des tenanciers de cabaret et des porteurs de chaise. Mais, en portant la culotte, on avait le droit de commander.
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    Le bar empestait la cendre de tabac et la bière renversée. Elle s'assit dans un coin pour siroter sa pinte, en se demandant pourquoi elle était venue ici. C'était un lieu de violence et de cruauté et elle jouait un jeu dangereux. que feraient ces gens brutaux s'ils s'apercevaient qu'elle était une femme

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