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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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chacun pense à l’armoire de fer, à ces lettres de
Louis XVI, appelant à l’aide les armées des tyrans afin qu’elles châtient son
peuple.
    « Louis a dénoncé le peuple français comme rebelle… reprend
Robespierre.
    « Je prononce à regret cette fatale vérité, mais Louis
doit mourir parce qu’il faut que la patrie vive ! »
     
    Les Montagnards voudraient que la sentence contre le roi
soit prononcée sans débat, parce qu’il est « le seul rebelle »
puisque le peuple a été victorieux.
    Au contraire :
    « L’Assemblée nationale décrète qu’elle s’occupera tous
les jours depuis midi jusqu’à six heures du procès de Louis XVI. »
    Et Louis Capet sera traduit à la barre de la Convention pour
entendre la lecture de l’acte énonciatif de ses crimes et y répondre.
     
    Et déjà, avant même qu’il soit entendu, la mort s’avance
parce que le verdict est inéluctable :
    « Qu’arrivera-t-il, s’écrie l’abbé Grégoire, si au
moment où les peuples vont briser leurs fers, vous assurez l’impunité à Louis
XVI ?… Les despotes saisiraient habilement ce moyen d’attacher encore
quelque importance à l’absurde maxime qu’ils tiennent leur couronne de Dieu. »
    Il ne s’agit plus seulement comme le disait Robespierre de
sauver la patrie.
    Louis doit mourir parce qu’il faut que le principe de la
révolution vive et que tous les trônes de tous les tyrans de « droit divin »
soient emportés par le vent qui s’est levé à Paris.
    Il faut, conclut Robespierre, « graver profondément
dans le cœur du peuple le mépris de la royauté et frapper de stupeur tous les
partisans du roi ».
     
    Louis n’ignore rien du sort qui l’attend.
    Le 7 décembre, en le déshabillant avec des gestes lents, précautionneux,
co mm e s’il s’agissait de retirer les pansements qui protègent une plaie,
Cléry murmure à son maître que le procès commencera dans quatre jours, que
Louis sera conduit à la Convention pour y être interrogé et qu’à compter de l’ouverture
du procès, le roi ne serait plus autorisé à voir les siens.
    Louis baisse un peu plus la tête, comme s’il offrait sa
nuque au couperet.
    Il sait qu’il va affronter la guillotine. Et tout ce qui
précède et qu’il va devoir subir, lui paraît indifférent.
    La mort est au bout. Et seule elle compte.
     
    Il n’est pas surpris quand, le mardi 11 décembre, il est
réveillé à cinq heures du matin par les tambours qui battent la générale, cependant
que des détachements de cavalerie entrent dans les jardins du Temple.
    C’est le jour de la comparution devant la Convention, celui
du dernier déjeuner pris en compagnie des siens.
    Les gardes municipaux veillent et on ne peut parler
librement, parce que les gardiens sont aux aguets.
    Après, Louis s’attarde à jouer avec son fils, mais on le lui
retire, on le conduit chez Marie-Antoinette.
    Il faut attendre seul l’arrivée, vers une heure, du nouveau
maire de Paris, le docteur Chambon, accompagné du procureur de la Commune.
    Le maire lit le décret convoquant Louis Capet afin de
témoigner devant la Convention :
    « Capet n’est pas mon nom, dit Louis, c’est celui de
mes ancêtres. J’aurais désiré, Monsieur, que les commissaires m’eussent laissé
mon fils pendant les deux heures que j’ai passées à vous attendre. »
    Point de réponse.
    Louis monte dans le carrosse du maire, et on commence à
rouler, entouré d’une escorte si dense de cavaliers et de fantassins qu’on ne
voit pas la foule le long de la rue du Temple, des boulevards, de la rue des
Capucins et sur la place Vendôme.
    Mais on entend les cris de « Mort au tyran ! ».
    Et quand Louis descend du carrosse dans la cour des
Feuillants, il voit au loin les piques dressées.
    Il pleut. Il fait froid, et souffle la bourrasque.
     
    Il sent la morsure de tous ces regards.
    Il se redresse, debout face à la Convention. Peu importe que
ses vêtements soient sales et froissés, qu’aucun barbier ne l’ait rasé depuis
quatre jours ; il est le roi et il ne répondra que par des dénégations, quand
on lui montrera des pièces saisies dans l’« armoire de fer ».
    Il ne veut rien « reconnaître ».
    Il n’est pas au pouvoir d’une Assemblée de juger le roi de
France.
    Et le roi a le droit et le devoir de refuser de se soumettre
à un questionnaire.
     
    Après cinq heures d’audition on le reconduit au Temple, et
des cris plus nombreux, plus haineux encore,

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