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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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de participer à cette tentative de corruption politique qui
pourrait sauver Louis XVI.
    Qu’on décapite ce malheureux roi, et, espèrent-ils, tous
ceux qu’attire la Révolution française, ces libéraux d’Angleterre et d’Allemagne,
comprendront ce qu’est la nature barbare de cette Révolution ! Et la
condamneront. Le sang de Louis doit coaliser l’Europe contre la France.
     
    Danton comprend vite que les chances de faire échapper le
roi au procès devant la Convention et dès lors, il s’en persuade chaque jour, à
la peine de mort, sont faibles.
    Alors il se retire, laisse la place à ses proches, comme cet
ancien boucher Legendre, fondateur avec lui du club des Cordeliers et député à
la Convention, qui déclare de sa voix puissante et avec son éloquence de tribun
qui veut la mort de Louis Capet :
    « Égorgeons le cochon ! Faisons autant de
quartiers qu’il y a de départements pour en envoyer un morceau à chacun ! »
     
    Mais dans les départements, c’est d’une autre nourriture qu’on
a besoin.
    Or, en ces mois d’automne et d’hiver 1792, les citoyens les
plus pauvres, qu’ils soient paysans de Beauce ou ouvriers du faubourg
Saint-Antoine, souffrent à nouveau de la hausse du prix du pain, et de la
rareté qui s’installe.
    Les queues apparaissent devant les boulangeries. On pille
les greniers. On arrête les convois de grains. On réclame la taxation des
denrées.
    À Paris, un jeune bourgeois, Jean-François Varlet, prend
souvent la parole devant les sans-culottes, s’élève contre les riches.
    Et le prêtre Jacques Roux, vicaire à
Saint-Nicolas-des-Champs, habitant la section des Gravilliers, est lui aussi l’un
de ces « enragés » qui exigent le partage des propriétés, la taxation.
    Une députation venue de Seine-et-Oise se présente à la
Convention, réclame la taxation des subsistances, déclare que la liberté de
commerce des grains est « incompatible avec notre République qui est
composée d’un petit nombre de capitalistes et d’un grand nombre de pauvres ».
    Mais le Girondin Roland, ministre, répond : « La
seule chose peut-être que l’Assemblée puisse se permettre sur les subsistances,
c’est de proclamer qu’elle ne doit rien faire. »
     
    Et cependant, il faut agir pour éteindre cette insurrection
de la misère.
    Saint-Just monte à la tribune de la Convention, regard fixe,
boucle à l’oreille droite, cravate nouée à large nœud, cachant le cou.
    « Un peuple qui n’est pas heureux n’a pas de patrie, lance-t-il.
Il n’aime rien, et si vous voulez fonder une République, vous devez vous
occuper de tirer le peuple d’un état d’incertitude et de misère qui le corrompt…
La misère a fait naître la Révolution, la misère peut la détruire. »
    Mais Saint-Just ne va pas au-delà de cette incantation
vertueuse.
     
    Alors, qu’offrir au peuple pour l’apaiser ?
    La victoire des années ?
    La gloire de combattre les tyrans, de faire « la guerre
aux châteaux et d’apporter la paix aux chaumières », de propager la
révolution, de supprimer les droits féodaux.
    « Lorsque nous entrons dans un pays, c’est à nous de
sonner le tocsin », déclare Cambon, fils d’un riche marchand d’étoffes de
Montpellier, député à la Législative et à la Convention et qui, chargé des
questions financières, pense aussi que le « pillage », le « butin »
peuvent enrichir la République, et même la nourrir !
    Mais il faut répondre vite à l’impatience populaire.
    Alors juger le roi, le condamner, l’exécuter, c’est aussi le
moyen commode de montrer au peuple que la République est impitoyable avec les
puissants, dont le roi devient l’incarnation, le symbole.
    Si on le tue, quel riche fermier, quel agioteur, quel
financier, quel député ou ministre pourrait être à l’abri du châtiment ?
     
    On ne sait comment combattre la misère, mais on sait juger
et décapiter le roi.
    Et le sang de Louis XVI peut étancher un temps, espère-t-on,
la soif de justice et d’égalité du peuple.

37
    La Convention va donc juger le ci-devant roi Louis XVI.
    Et le mardi 13 novembre 1792 – il pleut et il fait frais, presque
froid –, c’est le plus jeune des conventionnels qui prend la parole.
    Il siège avec les Montagnards. C’est un exagéré, dit-on, proche
de Robespierre, mais la plupart des députés ignorent jusqu’à son nom : Saint-Just.
Et les murmures couvrent les premiers mots de ce jeune homme à la

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