Le Peuple et le Roi
peuvent bouleverser l’État et
la royauté ! Et Necker ! Tout ce que vous voudrez hors ces deux
moyens. La reine et moi sommes tout prêts aux réformes et aux économies. Mais
de grâce, n’exigez ni Monsieur Necker, ni les États généraux. »
Mais il suffit de quelques semaines pour que le roi se rende
compte, avec effroi, que l’idée de la convocation des États généraux progresse
vite et s’impose peu à peu. Loménie de Brienne n’a rien obtenu de l’Assemblée
de notables, devant laquelle il a repris l’essentiel du plan de Calonne. Mais
les notables exigent d’abord que le contrôleur général des Finances soit surveillé
par un Comité ; autant dire que le roi perd la maîtrise des finances.
Inacceptable pour Louis XVI. Et le 25 mai 1787, le roi
dissout l’Assemblée de notables, ce qui aussitôt renforce dans l’opinion le
désir de la convocation des généraux. Ils rassemblent, dit La Fayette, « les
représentants authentiques de la nation ».
Et dans les gazettes on n’hésite pas à écrire :
« Pourquoi le roi ne serait-il pas en tutelle ?… Il
faut rappeler quelquefois les chefs des nations à leur première institution et
leur apprendre qu’ils tiennent le pouvoir de ces peuples qu’ils traitent
souvent en esclaves ! »
Ces gazetiers sont pour la plupart payés par telle ou telle
coterie, et celle du duc d’Orléans est la plus puissante. Le duc est cousin du
roi, mais ambitieux, jaloux, les souverains l’ont maintes fois blessé, et il se
présente en homme des Lumières.
Et « ses » gazetiers critiquent le roi, la reine, le
pouvoir monarchique, mais en même temps ils soutiennent les parlementaires, écrivent :
« Les notables ont montré que la nation existait encore. »
Louis qui imagine qu’il va pouvoir faire enregistrer les
édits réformateurs par le Parlement de Paris, en usant, si besoin est, comme il
en a le droit souverain, d’un « et de justice », qui impose l’enregistrement,
ne mesure pas, une fois encore, l’évolution de l’opinion.
Durant les mois de mai et de juin, le Parlement refuse d’enregistrer
l’édit créant l’impôt dit de « subvention territoriale » et il
déclare « que seule la nation réunie dans ses États généraux peut consentir
un impôt perpétuel ».
Le 6 août, le roi convoque à Versailles un lit de justice.
Il fait chaud dans la salle où s’entassent les
parlementaires. L’enregistrement des édits est obligatoire, mais pendant que se
déroule la séance, le roi s’endort, ronfle parfois, donnant l’image, en cette
période tendue, cruciale, d’un souverain à la fois méprisant et impotent.
Mais le 7 août, le Parlement de Paris déclare nul le lit de
justice de la veille.
Le 10 août, il décide l’ouverture d’une information
criminelle contre les « déprédations » commises par Calonne. Manière
de montrer sa résolution, d’avertir les ministres qu’ils ne sont plus
intouchables – et derrière eux le roi – et de les inviter ainsi à la modération
et au respect des prérogatives parlementaires.
Calonne – bien que l’arrêt du Parlement ait été cassé -est
inquiet et décide de se réfugier en Angleterre : contraint à émigrer par
une assemblée de privilégiés, qui lui reprochent d’avoir au nom du roi voulu
réformer le royaume !
Accablé, le roi lit les rapports des « mouches », ces
informateurs du lieutenant général de police que traquent les clercs de la
basoche, qu’ils poursuivent et rouent de coups, sous les applaudissements d’une
foule de plusieurs milliers de personnes qui viennent acclamer les
parlementaires, chaque fois qu’ils dénoncent les édits comme contraires « aux
droits de la nation » ou décident d’annuler l’enregistrement de ces édits
en lit de justice.
Les manifestants crient : « Vive les pères du
peuple ! Point d’impôts ! »
Louis XVI est envahi par l’indignation.
Le Parlement doit plier, pense-t-il par saccades, et il écoute
Loménie de Brienne qui lui demande d’exiler les parlementaires à Troyes.
Puis le roi est saisi par le doute. Il craint les
conséquences de cette épreuve de force, et cependant toute sa conception de l’autorité
monarchique l’incite à agir.
Il est divisé et lui qui recherche l’effort physique pour se
rassurer, se sent tout à coup las, sans qu’il ait besoin de chevaucher ou de
forger. Il a l’impression que son corps puissant et lourd
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