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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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une
discussion de cinq heures, Louis prend la décision de la convoquer.
     
    Il veut agir. Il s’y essaie depuis qu’il est roi, en 1774, il
y a déjà douze ans.
    Il a lu la lettre que l’ambassadeur d’Autriche
Mercy-Argenteau adresse à Vienne.
    « Lorsque le gaspillage et la profusion absorbent le
Trésor royal, il s’élève un cri de misère et de terreur… Le gouvernement
présent surpasse en désordre et en rapines celui du règne passé et il est moralement
impossible que cet état de choses subsiste encore longtemps, sans qu’il s’ensuive
quelque catastrophe. »
     
    Est-il encore temps de l’éviter ?
    Louis le croit.
    Mais l’opinion doute. La colère l’emportera-t-elle sur la
raison ?
    Cagliostro, l’un des accusés dans l’affaire du collier, exilé
à Londres, dénonce l’arbitraire royal. Il a été emprisonné à la Bastille, et il
fait de la vieille forteresse le symbole de cet arbitraire :
    « Toutes les prisons d’État ressemblent à la Bastille, écrit-il,
dans sa Lettre à un ami , qui circulera en France, sous le manteau.
    « Vous n’avez pas idée des horreurs de la Bastille. La
cynique impudence, l’odieux mensonge, la fausse pitié, l’ironie amère, la
cruauté sans frein, l’injustice et la mort y tiennent leur empire. Un silence
barbare est le moindre des crimes qui s’y commettent.
    « Vous avez tout ce qu’il vous faut pour être heureux
vous autres Français !
    « Il ne vous manque qu’un petit point, c’est d’être
sûrs de coucher dans vos lits quand vous êtes irréprochables.
    « Les lettres de cachet sont un mal nécessaire ? Que
vous êtes simples ! On vous berce avec des contes…
    « Changez d’opinion et méritez la liberté pour la
raison. »
     
    Cagliostro date cette Lettre à un ami du 20 juin 1786.

9
    Ces mots, raison, liberté, égalité, opinion , Louis
les retrouve chaque jour dans les gazettes ou les pamphlets, qui paraissent
quotidiennement. Et il en a dénombré plus de quarante chacun de ces derniers
mois. Il les feuillette avec une inquiétude et une angoisse qui augmentent
depuis qu’il a pris, ce 29 décembre 1786, la décision de convoquer cette
Assemblée de notables.
    Il ne sait plus si la proposition de Calonne à laquelle il s’est
rallié était judicieuse.
    Il a même le sentiment que l’opinion, alors que la réunion
de l’Assemblée est fixée au 22 février, salle des Menus-Plaisirs, s’enflamme
déjà, que les critiques fusent, que les passions s’exacerbent.
    S’il le pouvait il reviendrait sur son choix, et il songe
déjà à renvoyer Calonne, d’autant plus que les critiques se multiplient contre
le ministre.
    La reine ne l’aime pas. Elle suggère le nom d’un remplaçant,
l’archevêque de Toulouse, Loménie de Brienne.
    D’autres accusent Calonne d’avoir par sa politique
financière acculé le royaume à la banqueroute. Et nombreux sont ceux qui
suggèrent de rappeler Necker.
    Et Louis a lancé :
    « Je ne veux ni neckraille, ni prêtraille. »
    Il a regretté cette exclamation. Il ne doit se fermer aucune
voie. Mieux vaut laisser le doute et l’incertitude régner, rester le plus
longtemps possible insaisissable, que de se dévoiler.
     
    Mais il faut bien composer cette Assemblée de notables, et
donc choisir les personnalités qui en feront partie.
    Et aussitôt les pamphlets, les gazettes imprimés à l’étranger
et introduits en France, les caricatures, stigmatisent cette Assemblée qui ne
peut être qu’aux ordres, avec ses sept princes du sang, ses trente-six ducs et
pairs ou maréchaux de France, ses trente-trois présidents ou procureurs
généraux de parlements, ces onze prélats, ces douze conseillers d’État, ces
douze députés des pays d’État et ces vingt-cinq maires des principales villes
du royaume.
    On évoque l’absolutisme, le despotisme même, on la compare
avec les assemblées qui se réunissent aux États-Unis, celles que veulent élire
les Suisses, les Flamands, les Hollandais.
    Et dans tous ces pays les peuples ont conquis des droits, parfois
avec l’aide du roi de France qui les refuse à ses sujets.
    La Fayette ou Mirabeau répètent qu’il faut une « vraie »
Assemblée nationale, et ils martèlent qu’il faut réunir les États généraux, mais
ils précisent que les représentants du tiers état doivent être aussi nombreux
que ceux réunis des deux ordres privilégiés, et que l’on devrait voter par « tête »
et non par

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