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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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tous
frères », a cependant proclamé dans son sermon à Notre-Dame l’abbé Fauchet,
en bénissant les drapeaux de la garde nationale parisienne.
     
    C’était le 27 septembre.
    Mais Louis, dès le 5 août au matin, quelques heures après
que l’Assemblée nationale l’a proclamé « restaurateur de la liberté
française » et que le clergé et la noblesse ont renoncé à leurs privilèges,
écrit à l’archevêque d’Arles :
    « Je ne consentirai jamais à dépouiller mon clergé, ma
noblesse… Je ne donnerai pas la sanction à des décrets qui les dépouilleraient ;
c’est alors que le peuple français pourrait m’accuser d’injustice et de
faiblesse. Monsieur l’Archevêque, vous vous soumettrez aux décrets de la
Providence ; je crois m’y soumettre en ne me livrant point à cet
enthousiasme qui s’est emparé de tous les ordres mais qui ne fait que glisser
sur mon âme. »

19
    Louis, en ces derniers jours de septembre 1789, chasse. Et
ses longues chevauchées dans les forêts aux chaudes couleurs d’automne le
rassurent.
    Il se sent vigoureux. Il éperonne, il tire sur les rênes, il
cabre sa monture. Il force des sangliers et des cerfs. Il les abat d’une main
qui ne tremble pas.
    Et dans le crépuscule, d’un pas lent, il passe entre les
pièces alignées côte à côte sur l’herbe humide.
    Elles sont plusieurs dizaines. Il s’arrête devant les plus
puissantes qu’il a parfois lui-même affrontées le coutelas à la main. Comme il
l’a toujours fait.
    Il lui semble un instant même que rien n’a changé, que rien
ne changera, que rien ne doit changer.
    Il l’a écrit à l’archevêque d’Arles, il y a deux mois :
les événements ont glissé sur son âme.
    Il est toujours le roi, décidé à enfoncer sa tête dans les
épaules quand la tempête souffle, mais à ne rien céder ; sinon en
apparence.
    D’ailleurs, la Providence est la grande ordonnatrice, et il
ne sert à rien de vouloir échapper à sa loi.
    Il rentre au château.
    Le régiment de Flandre, fidèle, est arrivé le 23 septembre à
Versailles. Cela aussi desserre cette angoisse qui par moments l’étouffait.
    Peut-être, comme il l’espère depuis de nombreuses semaines, les
choses rentrent-elles dans l’ordre ?
    Necker a réussi à faire accepter une contribution
extraordinaire, patriotique, qui représenterait le quart du revenu et du
capital de chaque citoyen, et c’est un discours de Mirabeau qui, le 26
septembre, a convaincu l’Assemblée de voter ce nouvel impôt.
     
    Louis a dû reconnaître le talent de ce tribun, dont il se
méfie, et Marie-Antoinette encore plus que lui.
    Mais le peuple aime Mirabeau, l’appelle « notre bonne
petite mère », et les députés ont tremblé quand Mirabeau a évoqué « la
hideuse banqueroute, elle menace de consumer, vous, vos propriétés, votre
honneur… Gardez-vous de demander du temps, le malheur n’en accorde jamais… ».
    L’Assemblée s’est levée et a voté le décret créant l’impôt à
l’unanimité.
    Peut-être pourra-t-on échapper à ce gouffre des finances
royales, cause de tous les maux depuis deux siècles, a dit Mirabeau.
     
    Mais peut-il se fier à cet homme qui serait au service et à
la solde du duc d’Orléans, ou de Monsieur, le comte de Provence ?
    Et c’est lui pourtant qui ne cesse de proposer des plans à
Louis pour sauver la monarchie. Son intermédiaire est le comte de La Marck, un
grand seigneur et grand propriétaire terrien en Flandre française et
autrichienne, partisan de la révolution qui secoue Bruxelles, et député de la
noblesse aux États généraux.
    Louis le reçoit. Mirabeau se fait pressant, n’hésitant pas à
dire, en cette fin septembre : « Oui, tout est perdu, le roi et la
reine périront et, vous le verrez, la populace battra leurs cadavres. »
     
    Louis redevient sombre. La joie de la chasse se dissipe.
    Il y a tant de conjurations qui se trament contre lui. Celle
du duc d’Orléans, celle du comte de Provence, et celle de La Fayette, promu
général de la garde nationale, Gilles César , ainsi que l’appelle Mirabeau.
    Mirabeau qui aspire sans doute à remplacer Necker. Et La
Fayette voudrait devenir lieutenant général du royaume, le trône ayant été
dévolu au dauphin, un enfant de quatre ans. Et Louis se demande même si le
comte de Provence, son propre frère, n’a pas les mêmes ambitions !
    Et c’est pourquoi Louis hésite chaque fois qu’on lui propose
de quitter

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