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Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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famille royale. Peut-être Lady Aliénor était-elle sa future victime ? Ou peut-être visait-elle plus haut, songea le souverain en frissonnant, peut-être avait-elle espéré que le prince héritier ou lui-même se rendrait au prieuré ? Désirant qu’elle agisse en plein jour, il l’avait laissée entrer en Angleterre et avait donné des instructions secrètes à Agatha de Courcy : cette dernière devait suivre et tuer Dame Deveril, prendre sa place et se rendre à Godstowe pour tenir Lady Aliénor à l’oeil.
    Le monarque esquissa un sourire caustique. Qui l’aurait soupçonnée ? Agatha de Courcy s’habillait toujours en homme, vêtue d’atours payés par le Trésor, elle jouait à la perfection les damoiseaux affectant les manières françaises et s’exprimait avec un accent français traînant qu’aurait envié n’importe quel courtisan. Elle avait pour mission de supprimer Dame Deveril, de suivre le cours des événements au prieuré, d’espionner les faits et gestes du prince à Woodstock et de vérifier si, comme le prétendait la rumeur, le prince avait contracté un mariage secret avec son ancienne maîtresse. Personne ne soupçonnerait Agatha du meurtre de Marie Deveril. Et quand bien même, qui s’en soucierait ? Les Deveril étaient des traîtres et Édouard avait donné à Agatha sa promesse écrite qu’il la protégerait. Bien sûr, il n’en avait soufflé mot à Corbett : le clerc était un excellent maître espion, mais sa conscience pointilleuse aurait pu renâcler à l’idée d’assassiner en traître une femme et son page. Tout s’était passé à merveille jusqu’au décès de Lady Aliénor et à l’étrange silence d’Agatha de Courcy. Certes, cette dernière venait de lui jurer qu’elle avait toujours eu l’intention de lui révéler le fin mot de l’histoire, mais pouvait-il la croire ? De quel droit avait-elle décidé qui devait périr et qui devait vivre ? Corbett avait raison. Ce droit revenait à un monarque. Le roi Édouard jeta un coup d’oeil par la fenêtre : dans la cour, en contrebas, Corbett riait et plaisantait avec Ranulf et Maltote.
    — Si c’est un garçon, prénommez-le Édouard ! murmura le roi.
    Il envia soudain le bonheur du clerc.
    — Moi, je n’ai pas de fils ! soupira-t-il.
    Appuyé contre le mur, il vit Corbett et ses compagnons monter à cheval et quitter la cour. Il alla alors à son bureau, prit une plume sur l’écritoire et rédigea soigneusement un bref message. Puis, prenant de la cire chaude, il y apposa son sceau privé et héla un secrétaire. Quelques minutes plus tard, John de Warenne, comte de Surrey, entra nonchalamment dans la pièce.
    — Sire ?
    Édouard continua à regarder par la fenêtre.
    — Sire, vous m’avez demandé ?
    — Oui. Il y a une femme, dit lentement le roi, qui habite en face de l’auberge du Pilori, près de St Catherine, non loin de la Tour. Elle est coupable d’assassinat et de haute trahison.
    — Son nom ?
    — Agatha de Courcy.
    Le monarque s’éclaircit la gorge.
    — Elle doit périr. Elle a avoué ses crimes, mais ils ne peuvent être divulgués pour raison d’État. Chargez-vous-en, Warenne ! Que sa mort soit rapide ! Qu’elle ne soupçonne rien !
    — Sire, il me faut un mandat.
    Le roi sourit in petto et, sans se retourner, lui tendit le parchemin qu’il venait de rédiger. Warenne le prit et en déchiffra minutieusement la teneur :
    Le porteur de ce document a agi pour le bien du Royaume et de la Couronne.
    Il s’inclina et se glissa silencieusement hors de la pièce.

NOTE DE L’AUTEUR
    En 1301, le roi Édouard et son fils eurent une violente querelle. La raison en est inconnue, mais il faut noter que le prince héritier avait une maîtresse dont il avait eu un fils illégitime. Étant donné les négociations menées par Philippe IV pour marier sa fille au prince, on peut supposer que cette maîtresse avait été « écartée » pour satisfaire aux exigences françaises. Une manoeuvre semblable, dirigée contre Gaveston, l’ami du prince, aurait pu également être un motif de discorde.
    Ces fiançailles et ce mariage avaient été imposés à l’Angleterre par une papauté tout acquise à Philippe IV. Le roi Édouard devait s’y résigner, sous peine de perdre, en particulier, les riches vignobles de la belle province de Gascogne. Le traité fut signé en 1298, et pendant dix ans, Edouard fit des pieds et des mains pour en obtenir l’annulation.

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