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Le Roman des Rois

Le Roman des Rois

Titel: Le Roman des Rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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pontife était fort critiqué. On prétendait qu’il s’était enrichi en traitant des affaires de l’Église, qu’il n’avait ni modestie, ni modération, ni sang-froid.
    Un poète, moine franciscain, disait de Boniface VIII qu’il se « délectait dans le scandale ainsi que la salamandre dans le feu ».
    On assurait qu’il avait chassé du trône pontifical son prédécesseur, Célestin V, un saint homme, en le retenant prisonnier et en le forçant à abdiquer.
    Célestin V était un vieil ermite vivant dans la pauvreté. Boniface VIII se fit sacrer dans la basilique Saint-Pierre en présence des Colonna et des Orsini, les grandes familles de la noblesse romaine.
    Ce pape-là, disait-on dans l’entourage de Philippe IV le Bel, avait les ambitions d’un empereur romain bien plus que celles d’un pontife.
    Et nombreux parmi les conseillers du roi prédisaient que Boniface VIII voudrait gouverner tous les royaumes chrétiens.
    Philippe le Bel dit d’une voix calme :
    « Je suis roi de France. »
    Puis il partit chasser.

    Le conflit eut tôt fait d’éclater. L’argent et l’or en furent l’origine. Il fallait remplir les coffres du Trésor royal pour solder les chevaliers et sergents qui partaient en guerre contre le roi d’Angleterre.
    Le roi mit le clergé à contribution en levant une « décime » sur les biens et les revenus ecclésiastiques.
    Boniface VIII décréta que sous peine d’excommunication, les princes séculiers ne pouvaient exiger et recevoir des subsides extraordinaires du clergé sans l’autorisation pontificale.
    Lorsqu’on communiqua à Philippe le Bel cette « décrétale » – Clericis laicos –, il prit une ordonnance royale interdisant l’exportation de l’or et de l’argent hors du royaume, ce qui frappait les banquiers italiens, qui étaient ceux du pape.
    Boniface VIII répliqua par une bulle – Ineffabillis amor – qui jugeait l’ordonnance royale insensée, absurde et tyrannique.
    Il s’indignait :
    « A-t-on voulu atteindre le pape et ses cardinaux, ses frères ? Quoi, porter des mains téméraires sur ceux qui ne relèvent d’aucune puissance séculière ? »

    J’observai Philippe le Bel cependant qu’on lui lisait les textes pontificaux, qui me glaçaient.
    « Je sais qu’il y a autour de toi des malveillants », écrivait le pape au roi.
    Il menaçait :
    « Regarde les rois des Romains, d’Angleterre, des Espagnes, qui sont tes ennemis ; tu les as attaqués, offensés. Malheureux, n’oublie pas que sans l’appui de l’Église, tu ne pourrais leur résister. Que t’arriverait-il si, ayant gravement offensé le Saint-Siège, tu en faisais l’allié de tes ennemis et ton principal adversaire ? »

    J’ai mêlé ma voix à toutes celles qui s’indignaient de ce chantage.
    J’approuvai les légistes du roi qui répétaient :
    « Le roi de France est au-dessus des lois… Avant qu’il y eut des clercs, les rois de France avaient déjà la garde de ce royaume et le droit de légiférer en vue de sa sécurité… Il faut que les clercs contribuent comme tout le monde à la défense du royaume… Ils se sont engraissés des libéralités des princes et ils ne les aideraient point dans leurs nécessités ? Mais ce serait aider l’ennemi, encourir l’accusation de lèse-majesté, trahir le défenseur de la chose publique ! »

    Philippe le Bel écoutait, impassible. Rien ne paraissait pouvoir le troubler. On lui rapportait cependant que Boniface VIII, à Rome, fulminait contre lui : « Je détrônerai le roi de France ! s’était-il écrié. Tous les autres rois chrétiens seront avec moi contre lui. »
    Je m’inquiétais du sort de notre royaume et de celui de mon roi.
    J’avais encore beaucoup à apprendre.
    Je découvris que les évêques craignaient que la « détresse du royaume ne pousse les laïcs à piller les biens de l’Église si nous ne concourons pas avec eux à la défense commune ».
    Et comme, dans les plaines flamandes, les chevaliers et sergents du roi remportaient la victoire contre le comte de Flandre et le roi d’Angleterre, le pape invita le clergé et les ordres réguliers à verser au roi de France ce qu’il réclamait.
    Le pape vint même à Paris et je le vis bénir le roi, puis annoncer solennellement, en ce mois d’août 1297, la canonisation de Louis IX.
    Je remerciai Dieu.
    Je pensai à mon père, à ce qu’il eût éprouvé en apprenant que le souverain qu’il avait

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