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Le Roman des Rois

Le Roman des Rois

Titel: Le Roman des Rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l’arrestation des Templiers. »
    J’appris aussi que le 13 octobre, Guillaume de Nogaret, à la tête des sergents du roi commandés par le prévôt de Paris, avait arrêté en personne les Templiers qui se trouvaient dans la forteresse du Temple.

    J’étais labouré par la douleur et la honte.
    Je pensais à mes aïeux, à tous ces « pauvres chevaliers du Christ » qui avaient combattu en Terre sainte.
    Je n’ignore pas aujourd’hui les accusations qui ont été portées contre les Templiers, et d’abord celle de ne pas avoir assez vigoureusement combattu les Infidèles, d’avoir conclu des trêves avec les sultans et les émirs.
    Reproche-t-on à Saint Louis d’en avoir lui-même signé ?

    Mais je sais surtout que le réquisitoire dressé par Guillaume de Nogaret n’est que pâte de mensonges pétrie à pleines mains.
    Il accuse « les frères du Temple de cacher le loup sous l’apparence de l’agneau, et de supplicier Jésus-Christ une seconde fois ».
    Ils sont hérétiques, débauchés, sodomites, ils souillent la Terre de leur ordure.
    « La colère de Dieu s’abattra sur ces fils d’incrédulité, dit Nogaret, car nous avons été établis par Dieu sur le poste élevé de l’éminence royale pour la défense de la foi et de la liberté de l’Église. »
    En la circonstance, le roi, prétendait Guillaume de Nogaret, n’avait agi qu’à la demande du pape et de l’inquisiteur de France.
    Comment aurais-je pu croire que Philippe le Bel avait obéi aux injonctions de Clément V, « son » pape, et de Guillaume de Paris, « son » confesseur ?

    Il avait au contraire forcé le pape à ouvrir une enquête sur l’ordre du Temple et à suivre ainsi les volontés du roi. Quant aux inquisiteurs, ils avaient reçu de Nogaret des instructions précises dont j’ai eu plus tard connaissance. Les officiers royaux devaient d’abord dresser l’inventaire des biens saisis et mettre les personnes sous bonne et sûre garde.
    Les agents du roi conduiraient le premier interrogatoire, puis les inquisiteurs exhorteraient les Templiers à confesser leurs crimes, à choisir entre le pardon et la mort, entre dire la vérité et la dénégation.
    On userait de la torture s’il en était besoin.
    On écrirait les confessions de ceux qui auraient avoué.
    « On interrogea les Templiers par paroles générales, jusqu’à ce que l’on tirât d’eux la vérité, c’est-à-dire les aveux, et qu’ils y eussent persévéré. »

    Je me suis tu.
    Je n’avais pas prêté allégeance à l’ordre du Temple.
    J’étais au roi.
    Mais je savais que les accusations portées contre les Templiers étaient mensongères.
    Et la douleur et la honte m’ont envahi comme des herbes malfaisantes qui dévorent ce qui me reste de vie.
    84.
    Ces années-là, j’ai vécu chaque jour dans le tourment.
    Si je voulais échapper à la persécution qui frappait à coups redoublés les chevaliers du Temple, je devais dissimuler la souffrance et le dégoût que j’éprouvais, tant ma conviction était grande de l’innocence de ces hommes et de leur ordre.
    Mais je devais aussi ne point me retirer, demeurer dans l’entourage de Nogaret, lui faire croire que j’approuvais ces procès qui s’ouvraient par tout le royaume.

    J’avais assisté, le dimanche 15 octobre 1308, dans les jardins du palais royal, à un grand rassemblement de foule. Les sergents du roi, les prêcheurs dominicains avaient convoqué le peuple afin qu’il écoutât les hommes de Nogaret, les prédicateurs, les inquisiteurs dénoncer l’ordre du Temple qui avait « abandonné la fontaine de vie afin d’adorer le Veau d’or ».
    Les Templiers avaient sacrifié aux idoles et ne formaient plus qu’une « race immonde et perfide qu’il fallait détruire ».
    Le peuple acclamait les accusateurs.

    Les jours suivants il se pressait dans une salle basse de la forteresse du Temple où se tenaient les premiers procès.
    Il y avait là, pour juger, des moines, des conseillers du roi entourés de greffiers, de bourreaux, d’hommes d’armes.
    Les inculpés, ces pauvres chevaliers du Christ, venaient avouer les infamies dont on les accusait.
    Personne n’évoquait les tortures auxquelles ils avaient été soumis : les brodequins, le fer, le feu.
    Des dizaines étaient morts en subissant la question.
    Les survivants confessaient leurs sacrilèges.

    J’entendis le maître de l’Ordre, Jacques de Molay, le visiteur de France, Hugues

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