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Le Roman des Rois

Le Roman des Rois

Titel: Le Roman des Rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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avec l’évêque Guichard.
    J’ai su aussi que le valet de chambre du prélat, qui n’avait pas témoigné contre lui, avait été suspendu en l’air, tout nu, par les quatre membres écartés, accrochés à des anneaux scellés dans les murailles.
    Et le valet avait alors assuré qu’il avait vu lui aussi l’évêque converser avec le Diable.

    Et le pape Clément V écrivit :
    « Il est venu jusqu’à nos oreilles que notre vénérable frère l’évêque de Troyes (s’il mérite toutefois d’être appelé ainsi) s’est laissé aller à des actes damnables et dignes d’exécration… »
    Telle était la puissance de Philippe le Bel, l’Énigmatique, qu’on ne pouvait que s’incliner devant lui.

    L’archevêque de Lyon, Pierre de Savoie, avait bien tenté de lui résister en ameutant contre les agents du roi une partie des habitants, cependant que les bourgeois de Lyon faisaient au contraire appel au roi de France pour les défendre contre le prélat. Et certains s’étaient réfugiés dans le château de Saint-Just qui relevait du roi de France.
    Philippe ordonna qu’une armée commandée par son fils aîné Louis de Navarre – celui que je connus plus tard sous le nom de Louis X le Hutin, qui ne régna qu’à peine deux ans – fît capituler la cité.
    Je fus de cette armée, chevauchant aux côtés de Louis de Navarre, portant souvent l’oriflamme à fleurs de lis. Je ne cherchais pas à savoir si, dans ce différend, qui, du roi ou de l’évêque, avait, selon les légistes, raison.
    J’étais du parti du roi de France et je celais mes inquiétudes sur la démesure de son pouvoir.
    Je saisis au nom du roi l’archevêque Pierre de Savoie et le conduisis en France pour qu’il y demeurât captif.
    Après quelques années, il fit allégeance au roi, redevint prélat de Lyon et primat des Gaules, et la ville entra ainsi dans le royaume de France.

    Je me convainquais que toutes les actions de Philippe le Bel – les plus démesurées comme celles qui faisaient germer en moi le doute – n’étaient que les affluents destinés à grossir un fleuve royal, celui des lis de France.
    Comme ses aïeux Philippe Auguste et Saint Louis, Philippe l’Énigmatique voulait l’accroissement, la grandeur et la gloire du royaume.
    Pour cela, il fallait que fussent pleines les caisses du Trésor royal.
    Et tous ceux, Juifs et Lombards, qui étaient des manieurs d’argent pouvaient un jour, sans même que le roi avance le moindre prétexte, être dépouillés à son profit.

    J’ai vu un mandement du roi publié dans tous les bailliages et sénéchaussées, prononçant l’expulsion des « Italiens » :
    « Nos sujets sont dévorés par leurs usures. Ils violent nos ordonnances. Ils troublent le cours de nos monnaies… »
    Un sort plus rigoureux encore fut réservé aux Juifs. Au mois de juillet 1306, le même jour, tous furent arrêtés, leurs biens et leurs livres de commerce saisis d’un bout à l’autre du royaume. On mit en vente publique leurs biens, on chercha les trésors qu’ils avaient pu dissimuler. On promit la cinquième partie de leur valeur à ceux qui les trouvaient.
    Les plus belles pièces de ces trésors cachés étaient réservées au roi, et le reste – joyaux, coupes, anneaux – était vendu au profit de l’Hôtel des Monnaies.
    Les maisons, les écoles, les autres biens immobiliers appartenant aux Juifs furent eux aussi mis en vente.
    Il fallait faire vite pour remplir les caisses du roi.

    J’ai accepté tout cela.
    Mais j’ai détourné la tête pour ne pas voir comme on frappait et brûlait les Juifs.
    Il y a encore peu de mois, en l’an 1321, j’ai vu, je l’ai dit, les Juifs traités comme des lépreux, leurs prétendus complices. Et j’ai appris qu’on en fit sauter cent soixante dans une fosse dont le fond avait été garni de fagots enflammés.
    On m’a rapporté qu’« il y en avait qui chantaient comme s’ils allaient à la noce ».
    Est-ce que le Christ crucifié a voulu cela ?
    Est-il un Dieu de vengeance, ou de pardon et de miséricorde ?
    N’était-il pas juif parmi les Juifs ?

    Ce que j’écris là est peut-être hérésie, mais c’est l’aveu de mon doute et de ma douleur.
    Ils pèsent peu, face aux besoins d’or et d’argent.
    En cela, le roi Philippe IV le Bel est infidèle à son aïeul Saint Louis, roi de bonne monnaie.
    Au contraire, j’entends partout murmurer que Philippe est un « faux-monnayeur » qui altère les

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