Le Roman des Rois
ce qu’il en est :
« Après que le roi de France est revenu de son voyage à Jérusalem, éclata la discorde entre lui et la reine, surtout en raison de faits survenus pendant ce voyage et sur lesquels il est mieux de se taire. C’est ainsi que, subitement, on trouva le moyen de dissoudre le mariage. »
Comment Dieu pouvait-Il être dupe et comment n’aurait-Il pas voulu montrer à ce roi de France, le Très Chrétien, ce qu’il en coûtait de rompre le lien sacré des épousailles ?
Aliénor reprend son bien, le duché d’Aquitaine. Et à peine a-t-on appris qu’elle peut être à nouveau épousée que les prétendants se rassemblent autour d’elle.
Elle choisit de se marier le 18 mai 1152 avec Henri Plantagenêt, duc de Normandie, comte d’Anjou. L’homme, héritier des Plantagenêts, âgé de vingt et un ans, en a onze de moins qu’elle. Il est de belle prestance, roux, vigoureux, énergique. Il est riche d’un grand avenir, de larges promesses, il devient roi d’Angleterre. Et Aliénor – qui n’avait pas donné d’héritier
mâle à Louis VII en quinze ans de mariage – va accoucher de quatre fils !
Henri Plantagenêt, roi d’Angleterre, maître d’Angers, de Rouen et de Bordeaux, espère prendre Toulouse et soumettre à sa force ce Louis VII qui n’est que le roi de Paris et d’Île-de-France, et semble oublié de Dieu.
Dès lors, les loups, les hyènes, les rapaces vont chercher à le dépecer, car qui peut craindre un roi que Dieu a abandonné ?
Martin et Eudes de Thorenc s’indignent des humiliations qu’on lui inflige.
Un jour de 1155, les chanoines de Notre-Dame refusent même de lui ouvrir les portes de la cathédrale parce que, la nuit précédente, il a dormi à Créteil, village qui n’appartient pas au domaine royal, et qu’il a pris son gîte aux frais des habitants, sujets du chapitre de Notre-Dame.
Qu’il s’agenouille alors devant les portes closes de la cathédrale et que, « doux comme un agneau, il prie et s’humilie, donnant réparation publique de l’offense faite aux représentants de Dieu » !
Et il multiplie les actes de dévotion, faisant le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, se rendant au Mont-Saint-Michel, et mes aïeux lui reprochent à mots couverts de ne plus être un roi guerrier, un chevalier combattant, mais un souverain de prière accueillant à Paris Henri Plantagenêt, prêt à signer la paix avec lui, à paraître se soumettre à ses ambitions.
Il est humble, juste, vit simplement et frugalement, sans aucun faste, se promenant sans garde par les rues de Paris, au milieu des pauvres et des bourgeois, capable de rendre la justice contre les puissants, ordonnant qu’on coupe le bras au maître des chambellans de la nouvelle reine – Constance, fille
du roi de Castille – qui a roué de coups un jeune clerc. Mais laissant les étudiants allemands se moquer de la France et de son roi, l’irrésolu, le pieux, le souverain qui croit que « personne ne lui en veut » !
« Le roi d’Angleterre ne manque de rien, dit Louis VII ; hommes, chevaux, or, soie, diamants, gibier, fruits, il a tout en abondance. Nous, en France, nous n’avons que du pain, du vin et de la gaieté. »
Et pourtant, Louis VII rit peu, trempe à peine ses lèvres dans le vin, se plaît à vivre au milieu des chanoines de Notre-Dame. Et le pape Alexandre III lui envoie solennellement la « Rose d’or » pour saluer en lui le souverain le plus attaché à l’Église apostolique et romaine.
Face à Henri Plantagenêt, homme de guerre, de passion et d’ambition, c’est dans sa piété et son alliance avec le pape qu’il espère trouver force et appui.
« Notre Souverain Très Chrétien », dit Martin de Thorenc, accueille, protège, soutient l’archevêque de Cantorbéry, Thomas Becket, qui défend les privilèges de son Église contre le pouvoir d’Henri Plantagenêt qui entend le soumettre.
Le souverain d’Angleterre veut être, dans son île, « roi, empereur, légat apostolique et patriarche », et il dénonce Thomas Becket, son ancien chancelier :
« Un homme qui a mangé mon pain, qui, à ma cour, vint pauvre, et que j’ai élevé au-dessus de tous, le voilà qui, pour me frapper aux dents, dresse son talon, avilit ma race et mon règne ! J’ai du chagrin plein le coeur ! Personne ne me vengera donc de ce clerc ? »
Ils furent quatre parmi les chevaliers du roi anglais à croire qu’Henri Plantagenêt
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