Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
Au quartier-général à Passeriano, le 17 fructidor an 5 (3 septembre 1797.)
Au directoire exécutif.
J'ai l'honneur de vous communiquer la lettre que j'écris au ministre des finances, je vous prie d'en prendre lecture.
Je désirerais même que vous la fissiez imprimer, afin que chacun connût quelle peut être la source de ces mille et un propos qui se répandent dans le public, et dont on trouve l'origine dans les impostures de la trésorerie.
BONAPARTE.
Au citoyen Carnot.
Le ministre de la guerre me demande des renseignemens sur les opérations que l'on pourrait entreprendre si la guerre recommençait. Je pense qu'il faudrait avoir sur le Rhin une armée de douze mille hommes de cavalerie et quatre-vingt mille hommes d'infanterie ; avoir un corps faisant le siége de Manheim et masquant les quatre places fortes du Rhin ; avoir en Italie quatre-vingt mille hommes d'infanterie et dix mille de cavalerie.
La maison d'Autriche, prise entre ces deux feux, serait perdue.
Elle ne peut pas nous nuire ; car, avec une armée de quatre-vingt mille hommes on peut toujours avoir soixante mille hommes en ligne de bataille, et vingt mille en deçà en détachemens, pour se maintenir et rester maîtres de ses derrières.
Or, soixante-dix mille hommes en battent quatre-vingt-dix mille sans difficulté, à chance égale de bonheur.
Mais il faudrait que l'armée d'Italie eût quatre-vingt mille hommes d'infanterie.
Il y a aujourd'hui trente-cinq mille hommes à l'armée d'Italie présens sous les armes.
Dans ce cas, l'armée d'Italie ne sera donc, pour entrer en Allemagne, que de soixante mille hommes d'infanterie ; on aura huit mille Piémontais, deux mille Cisalpins ; il lui faudrait encore dix mille Français.
Quant à la cavalerie, elle a six mille deux cents hommes.
Il lui faudrait encore trois mille hommes de cavalerie.
Nous avons déjà eu deux conférences, que nous avons employées à nous entendre.
BONAPARTE.
Au ministre des finances.
J'ai reçu, citoyen ministre, la lettre que vous m'avez envoyée par le dernier courrier.
Je ne puis répondre que trois mots : tout ce qu'on vous a dit sur les principes qui avaient été posés pour la marche de la comptabilité des finances de l'armée d'Italie est faux. Il n'y a jamais eu à l'armée d'Italie, depuis qu'il n'y a plus de commissaire du gouvernement, qu'une seule caisse, qui est celle du payeur de l'armée ; elle se divise naturellement en deux branches, en caisse recevante, que nous avons appelée caisse centrale, et qui est destinée à recevoir les contributions, et en caisse dépensante : celle-ci sert à payer les dépenses de l'armée.
Tout ce que je lis, venant de la trésorerie, porte un caractère d'ineptie et de fausseté qui ne peut être expliqué que par la plus grande malveillance.
La trésorerie dit que nous avons 33,000,000 en caisse : elle dit un mensonge, car l'ordonnateur a beaucoup de peine à faire son service, et l'on suffit difficilement au prêt.
On estime le prêt de l'armée d'Italie à 1,400,000 fr. par mois, autre inexactitude : le prêt de l'armée monte à 3,000,000 par mois.
On dit que l'armée d'Italie n'a envoyé qu'un million à l'armée du Rhin, autre fausseté ; elle lui a envoyé un million l'année dernière, et un autre million cette année : il y a près de trois mois que ce dernier est arrivé.
Si tous les autres calculs pour toutes les autres dépenses de l'état et les autres armées de la république sont faits avec la même bonne foi, je ne suis plus étonné que les comptes de la trésorerie soient en si grande dissonance avec la réalité.
Au reste, citoyen ministre, je ne me mêle des finances de l'armée que pour ne pas souffrir qu'une trésorerie mal intentionnée vienne nous ôter la subsistance que le soldat s'est gagnée, et nous fasse périr de faim.
Que la trésorerie assure la subsistance de l'armée, et alors nous nous embarrasserons fort peu de ce qu'elle fera.
Mais, par l'emploi qu'elle a fait du million que j'avais envoyé pour les matelots de Toulon, qu'elle a retiré à Paris, quoique la paye des matelots se trouvât arriérée de trois mois, et par le million que j'avais envoyé à Brest, qu'elle a retenu à Paris, quoique les matelots de Brest se trouvassent sans prêt, je vois qu'elle se soucie fort peu du bien du soldat, pourvu qu'elle conclue des marchés comme ceux de la compagnie Flachat, par lesquels elle lui accorde 50,000 fr. pour le transport d'un million à Paris. Un million en
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