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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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sidérante, de la part de ce chasseur invétéré de scoops. John ne ferait pas état de l’histoire de La Pierre de Lune ni de celle de Laura Clearstone dans le dernier papier qu’il lui restait à rédiger pour conclure son enquête sur les Taiping dans son fameux numéro spécial du Weekly .
    En renonçant, pour cette fois, à son rôle de voyeur des misères du monde, l’œil à l’affût des malheurs des autres et des catastrophes planétaires, Bowles venait d’opter pour celui de protecteur de la vie privée d’un couple et d’un enfant dont il voulait le bien.
    A l’instar de ces événements qui permettent aux êtres de faire la part des choses et de les remettre à leur place, en les aidant à distinguer l’accessoire de l’essentiel, le saccage du Palais d’Été avait, en l’espèce, agi sur le journaliste comme un catalyseur.
    La jeune Laura Clearstone, son mari et leur fils avaient droit à la paix et au bonheur. Révéler leur passé eût forcément troublé leur quiétude et à coup sûr rendu plus difficile leur départ vers une nouvelle existence. Dévoiler leur histoire à la face du monde n’eût pas redonné vie à la belle Irina ni changé d’un iota les mœurs de la police secrète impériale…
    Bowles préférait se concentrer sur la dénonciation du crime contre la culture qu’était la mise à sac du Palais d’Été. La cause lui paraissait plus urgente et plus noble à défendre, même si elle toucherait de moins près les lecteurs du Weekly , plus friands de « people » que de grands principes ou de saccages d’antiquités.
    De quel côté était la barbarie   ?
    La question méritait d’être posée et John en connaissait par avance la réponse : elle était à coup sûr du côté de ceux qui avaient laissé leurs soudards s’acharner sur ces splendeurs du passé. En incendiant ces pavillons, ces pagodes et ces jardins merveilleux, non seulement ils avaient fait disparaître un ensemble architectural unique, mais –   bien plus grave encore !  – en effaçant le témoignage de la fascination qu’avait exercée l’Occident sur les Trois Grands empereurs de la dynastie mandchoue, ils repoussaient la Chine vers elle-même, vers ces vieux démons de grande muraille protectrice derrière laquelle s’abritait le Centre du Monde en même temps qu’il se coupait de sa périphérie…
    La brutalité, la morgue, l’assurance de mener un combat juste –   qui est souvent le prétexte aux pires ignominies – étaient bel et bien du côté des chancelleries européennes. En forçant les Chinois à acheter leur boue noire, les Anglais étaient loin de se douter qu’ils avaient non seulement déclenché un processus colonial dont les plus grands épisodes allaient se dérouler une cinquantaine d’années plus tard, sur tous les continents de la planète, mais également donné l’exemple à leurs grands rivaux…
    Persuadé qu’après une telle action criminelle, les relations entre l’Occident et la Chine ne seraient plus jamais les mêmes, Bowles comptait bien mettre en exergue, dans sa relation de la prise de Pékin par les puissances occidentales, le fait que lord Elgin était allé beaucoup trop loin dans sa volonté de punir le pouvoir mandchou en décrétant l’incendie de la résidence estivale des Fils du Ciel.
    Contre ce qu’il qualifierait de « crime contre la civilisation chinoise », sa plume serait, à n’en pas douter, trempée dans le vitriol.
    En revanche, l’histoire de La Pierre de Lune et de Laura Clearstone resterait secrète à jamais, comme un fabuleux trésor enfoui dans un lieu si hostile que la pioche d’un archéologue ne pourrait jamais le déterrer.
    John Bowles avait parfaitement retenu la leçon que lui avait enseignée le spectacle de l’incendie du Palais d’Été.
    Persuadé que le bonheur des êtres humains était une denrée si précieuse qu’il avait à tout prix, comme les plantes rares, besoin d’être préservé, il ne voulait pas être celui qui troublerait le bonheur du fils caché de Daoguang et de sa famille, dont le bateau, poussé par des vents favorables, voguait à présent vers Londres, toutes voiles dehors…

 
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    Achevé d’imprimer sur les presses de
    l’Imprimerie Bussière
    à Saint-Amand-Montrond (Cher)
    en octobre 2006
     
    Mise en pages : Bussière
     
    N° d’édition : 1141/01. -  N° d’impression : 62128-06369/4.
    Dépôt

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