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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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avant de lâcher dans la nature cette incroyable histoire.
    Demain, lorsqu’il apprendrait au monde entier les turpitudes dont le précédent empereur de Chine s’était rendu coupable, c’est tous les journalistes en chambre, de Londres et d’ailleurs, toujours prompts à disserter sur la Chine sans jamais y avoir mis les pieds, qui en recevraient une vraie grande leçon…
    Et puis, au-delà de la gloriole, il pensait à la divinement belle Irina Datchenko, à cette femme qui avait péri parce qu’elle avait osé s’opposer au pouvoir suprême du Fils du Ciel et dont la mémoire, enfin, serait vengée.

 
    71
     
    Pékin, 28 octobre 1860
     
    John Bowles était mort de froid.
    C’était un de ces jours de début d’hiver où la bise du Nord, implacable courant d’air venu des steppes, insinueux et coupant, soufflait si fort que les rares habitants de Pékin devaient prendre leur courage à deux mains pour quitter leurs maisonnettes calfeutrées.
    Dans l’atmosphère glacée du petit cimetière catholique concédé deux siècles plus tôt par les autorités chinoises aux pères jésuites, au milieu des tombes de marbre blanc, la sonnerie aux morts venait de retentir, ouvrant la cérémonie des funérailles des otages français que les troupes mandchoues avaient « lâchement enlevés » en même temps que les otages anglais, selon l’expression utilisée par les diplomates des deux puissances occidentales belligérantes.
    Comme c’est toujours le cas dans les circonstances où personne n’entend rien céder, le coup de main opéré par les commandos mongols s’était achevé par un carnage. La plupart des malheureux otages avaient auparavant subi des traitements ignobles de la part de leurs geôliers.
    Dans un froid attisé par la méchante bise, de part et d’autre des six cercueils recouverts de serge noire ornée d’une grande croix argentée, se tenaient, alignés dans un ordre impeccable, d’un côté les officiels et les officiers –   immobiles et droits comme des « i », sous le commandement du général Cousin-Montauban – qui s’efforçaient de faire bonne figure, et de l’autre les soldats du rang, trépignant quand ils ne battaient pas la semelle, ne cachant rien de leur souhait de voir s’achever une cérémonie où ils risquaient de congeler.
    Sur la façon dont il fallait mener l’offensive contre les Chinois, entre les Français et les Anglais, derrière une unanimité de façade, « entente cordiale » oblige, et malgré les blessés et les morts, la méfiance réciproque restait la règle.
    Pour faire bref, c’était à qui damerait le pion à l’autre dans la course tragique vers l’humiliation de la Chine où les deux pays s’étaient lancés.
    Lord Elgin n’assistait pas aux obsèques, pas plus que le baron Gros, d’ailleurs, n’était présent à celles des quatre otages anglais qui s’étaient déroulées la semaine précédente. La cérémonie britannique, destinée à impressionner la cour impériale, avait été organisée de façon grandiose. Le convoi funéraire était passé dans les rues de la ville, précédé par un détachement des dragons de la Garde de la Reine d’Angleterre, tandis que les cornemuses et les trompettes du 60 e régiment jouaient une impressionnante marche funèbre. La population pékinoise, persuadée qu’il s’agissait d’un étrange rituel qui précédait l’assaut final, s’était barricadée chez elle, totalement effrayée.
    John Bowles, en soufflant sur ses doigts pour les empêcher de trop s’engourdir, se mit à penser, à la tonalité du papier –   toujours son vieux réflexe de journaliste !  – qu’il rédigerait à l’appui de ses dessins funéraires. À n’en pas douter, elle serait belliqueuse. Les récits qu’il avait entendus, colportés à foison par les soldats de la coalition franco-anglaise, des conditions atroces dans lesquelles étaient morts ces prisonniers de guerre n’incitaient guère à l’indulgence. Attachés à des cordes continuellement mouillées par leurs geôliers, au point qu’elles avaient fini par leur sectionner les chairs où la gangrène s’était s’infiltrée, les pauvres bougres avaient rendu l’âme dans d’atroces souffrances, assaillis par les miasmes dont leurs geôliers avaient encouragé le développement avec méthode en arrosant leurs plaies avec leurs excréments. Les Mandchous avaient appris des Chinois leur ingéniosité méticuleuse à faire

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