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Le sac du palais d'ete

Le sac du palais d'ete

Titel: Le sac du palais d'ete Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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distance, Laura reconnut aisément Antoine Vuibert qui lui faisait de grands signes d’au revoir. L’espace d’un moment, clouée d’étonnement, elle demeura bouche bée. En un instant, ses rapports avec le Français, de l’agacement qu’elle avait ressenti à son égard dès leur premier contact jusqu’aux mots vifs par lesquels elle l’avait éconduit lorsqu’il lui avait formulé, à Nankin, sa demande en mariage, se précipitèrent dans sa tête. Elle en était à regretter d’avoir été aussi dure avec lui lorsqu’elle le vit à deux pas d’elle et faisant tourner son chapeau avec les yeux d’un chien battu implorant une caresse.
    —  J’ai trouvé ce sachet dans les affaires de votre père… J’ai cru bon de vous l’apporter. L’argent qui est dedans vous revient… fit-il, gêné, en lui tendant un petit sac de cuir où il avait placé les 50 dollars qu’il avait touchés après la liquidation de V.S. & J.
    Suivit un silence pareil à un long cri. Laura, toujours aussi fière, détourna le regard et se raidit légèrement.
    —  Je n’ai pas besoin d’argent…
    Antoine insista, l’air blessé.
    —  Vous pourriez vous payer une jolie maison à Londres. À Paris, avec une telle somme on a un petit immeuble de rapport, ajouta-t-il maladroitement.
    —  Gardez-les pour vous !
    —  Décidément, je n’ai pas de chance avec vous… tout ce que je vous propose, vous le refusez ! fit le Français, dépité.
    Consciente qu’en persistant dans son refus elle lui infligerait une nouvelle blessure, Laura eut soudain pitié du Dauphinois en manque de considération et d’affection.
    —  C’est vous qui avez raison, j’ai tort de refuser de les prendre… s’écria-t-elle en tendant la main.
    —  Merci ! Que Dieu vous bénisse ! souffla le Dauphinois, un éclat de reconnaissance dans les yeux, avant de repartir aussi vite qu’il était arrivé.
    La sirène du navire se mit à hurler, déchirant le magma sonore ambiant où se mêlaient les chuintements des poulies servant à hisser les marchandises, les ahanements des coolies, le grincement des roues de leurs brouettes et les cris gutturaux ainsi que le claquement des badines de leurs contremaîtres.
    Il fallait embarquer.
    —  M. Bowles, je ne vous remercierai assez pour ce que vous avez fait… sans vous, mon fils n’aurait pas retrouvé son père ! lui déclara Laura.
    —  Je suis ravi de constater que vous semblez trouver que le travail de journaliste est parfois de quelque utilité… plaisanta John en baisant la main de la jeune femme.
    —  Quand vous viendrez à Londres, faites-nous signe ! Je vous ferai parvenir notre adresse dès que nous y serons installés.
    —  Au revoir monsieur Bowles et tous mes vœux pour votre prochaine enquête à bord de la jonque de guerre ! ajouta La Pierre de Lune.
    —  À toutes fins utiles, je vous signale que, depuis l’année dernière, le Weekly est en vente à Londres, au kiosque à journaux situé juste derrière Saint Martin in the Fields !
    Lorsque le bateau s’ébranla et qu’il vit sa coque se détacher du quai par petites secousses pour s’enfoncer dans le halo de brume qui, très vite, l’engloutirait définitivement, John, guilleret comme jamais, pensa avec gourmandise à son fameux numéro spécial du Weekly .
    Il ne lui manquait que la preuve que le document de l’étui à pinceau était authentique. Il ne doutait pas qu’il finirait, tôt ou tard, par l’obtenir, la chance étant avec lui depuis qu’il était tombé par hasard sur Irina Datchenko. Il fallait continuer à enquêter… S’acharner à chercher sans jamais baisser les bras… Ne pas hésiter à aller jusqu’à Pékin pour remonter à la source du fleuve…
    Et ce jour-là, le scoop deviendrait absolument irréfutable. Excité comme une puce, il imaginait déjà la tête de Goodridge et celle de la direction du The Illustrated London News lorsqu’ils découvriraient le résultat du boulot abattu par leur ancien petit dessinateur qu’ils n’avaient pas hésité à virer comme un malpropre. « Son » scoop serait sa revanche sur la façon si « politique » – et si peu professionnelle !  – avec laquelle ses anciens patrons pratiquaient le métier de journaliste.
    Nullement gêné de braquer les projecteurs sur le bonheur de ces trois êtres au destin exceptionnel qui voguaient à présent vers leur nouveau destin, il exultait et se félicitait d’avoir su prendre son temps

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