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Le sang des Dalton

Le sang des Dalton

Titel: Le sang des Dalton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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paiement d’un droit de passage pour emprunter une mauvaise piste en terre, avant de s’éloigner du chariot, les poches pleines de mitraille. « Ça fait trois semaines qu’on a quitté St Louis, leur confia une femme. On est habitué aux voyous maintenant. » Les squatters jouaient le jeu en ce temps-là.
    Bob expédiait vingt dollars par mois à ma mère et, à Minnie, des paquets contenant des chemises à volants, des foulards en soie et de longs gants blancs qui se boutonnaient au-dessus du coude. Pour ma part, je recevais des lettres me décrivant les stratagèmes exubérants de Grat pour se faire de l’argent de poche.
    Bob était alors fasciné par Grattan  – c’était avant que ce dernier ne sombre dans l’alcoolisme. Grat avait vingt-sept ans et pesait plus de quatre-vingt-dix kilos pour un mètre soixante-dix-huit ; il était aussi large et solide qu’un buffet, il avait des paluches de la taille d’un téléphone, et trop peu d’imagination pour avoir peur de quoi que ce soit. Il était capable de défoncer une porte à coups de tête. Il était assez costaud pour balancer un porc châtré sur le toit d’une véranda. Il avait toujours été la terreur de l’école et après avoir redoublé la sixième deux années de suite, il n’y était plus retourné. Quand quelqu’un ricanait alors qu’il lisait, l’insolent finissait avec la bouche en sang à l’heure du déjeuner. Quand il avait été renvoyé d’un ranch pour avoir laissé s’embourber une vache sur le point de vêler, il était revenu en douce le soir même pour castrer le meilleur taureau reproducteur du propriétaire. Mais Bob se délectait de sa compagnie. « Ce bon vieux Grat, m’écrivait-il. Jamais un sourire. Il entretient sa moustache avec des allumettes enflammées. Je l’ai vu arracher les oreilles d’un Indien saoul. Les portes des églises se referment sur son passage. C’est un original, notre Grat. Rude comme une nuit en prison ! »
    Je ne vis pas Bob ou Grat plus de trois fois jusqu’en décembre 1888, où mon frère cadet âgé de quatorze ans, Simon, mourut. Il avait toujours été chétif et souffrait du croup, mais cet automne-là, il était demeuré recroquevillé au fond de son lit et s’était éteint entre les draps brunis par la fièvre.
    J’étais déjà à la ferme familiale dans le comté de Labette quand le croque-mort est arrivé. Il faisait déjà si froid que le chemin était grêlé de traces de sabots gelées et tous les chevaux de selle attachés à la clôture blanche étaient hirsutes et avaient leur poil d’hiver. J’attendais sous la véranda, les mains dans les poches de mon jean, en contemplant une couronne de Noël dont on avait trempé les aiguilles et les pommes de pin dans de la peinture noire et qu’on avait clouée sur la contre-porte ; lorsque le corbillard s’est immobilisé devant la maison aux murs chaulés, je suis allé chercher quatre gars robustes à l’intérieur  – tous quatre des parents de Simon et moi, tous quatre moustachus, en bretelles, le pantalon enfoncé dans leurs bottes montantes. Nous avons transporté le cercueil jusqu’au séjour, en vacillant légèrement lorsque nous avons dû gravir les marches, et nous avons déposé notre charge sur deux chaises avant de reprendre nos assiettes et d’avaler notre déjeuner debout, sans piper mot.
    Plus tard, comme j’étais assis à côté d’une fenêtre, j’ai entendu la contre-porte claquer et avisé Minnie dans l’arrière-cour, qui rentrait le linge grisâtre battant au vent sur l’étendoir. Des feuilles rouges tournoyaient autour d’elle sur l’herbe. Elle s’est abrité les yeux pour regarder en direction des bois qui rosissaient, par-delà le champ de maïs, et j’ai aperçu Bob et Grat à cheval, qui avançaient, courbés, sous les frondaisons colorées. Minnie a baissé les yeux vers son tablier et elle est rentrée.
    J’ai traversé le jardin en me frictionnant les bras afin d’aller trouver Bob qui ôtait son manteau et son chapeau dans la sellerie. Malgré le froid, il s’est agenouillé sur les planches glissantes sous la pompe et a actionné le levier jusqu’à ce que l’eau lui jaillisse sur la tête. La chair de poule lui a hérissé le dos.
    « Quoi de neuf, Bob ? »
    Il a souri.
    « Tiens, salut, vieille vesse. »
    Il m’a tendu une main glaciale et trempée que j’ai brièvement secouée, tel un garçon de ferme.
    « Alors, les saints te

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