Le soleil d'Austerlitz
du Rhin à la France. Anvers, « ce pistolet chargé sur le coeur de l’Angleterre », reste sous le contrôle français. La République cisalpine s’agrandit. La France peut intervenir dans les affaires allemandes.
Napoléon est l’héritier fidèle de la politique révolutionnaire.
Au sud de l’Europe, l’Espagne, prenant acte du traité de Lunéville, signe le traité d’Aranjuez. Madrid s’engage à faire la guerre au Portugal, allié de l’Angleterre. En Italie, Parme et Plaisance sont cédées à la France.
À l’annonce de la signature du traité de Lunéville, Paris, qui fête le carnaval, retentit de cris de joie.
Napoléon se présente à la fenêtre de son cabinet de travail des Tuileries. Il voit cette foule, semblable à celle qui s’était rassemblée au lendemain de Marengo. Il donne l’ordre aux musiques de la Garde et de la garnison de Paris de jouer pour animer dans les rues un grand bal populaire.
Il s’arrache un instant à la contemplation de ces scènes de liesse, s’installe à sa table, écrit à Joseph : « Il me reste un mot à vous dire ; la nation est contente du traité, et moi j’en suis parfaitement satisfait. Mille choses à Julie. »
Il convoque le préfet de police. Il veut que celui-ci se rende dans chaque quartier, accompagné des maires, qu’on proclame devant le peuple la paix et qu’on lise la déclaration qu’il vient de rédiger :
« Français, une paix glorieuse a terminé la guerre du continent. Vos frontières sont reportées aux limites que leur avait marquées la nature. Des peuples longtemps séparés de vous se rejoignent à vos frères et accroissent d’un sixième votre population, votre territoire et vos forces. Ces succès, vous les devez surtout au courage de nos guerriers… mais aussi à l’heureux retour de la Concorde, à cette union de sentiments et d’intérêts qui plus d’une fois sauva la France de sa ruine. »
Il demeure seul.
La paix ? Il la veut. Il l’a presque obtenue. Il reste à l’imposer à l’Angleterre. La partie qui se joue est simple. Il tient le continent européen. L’alliance avec la Russie est la clé de cette pacification continentale, qui suppose la mise au pas de l’Autriche, ce qui est fait, et donc une présence de la France en Allemagne et en Italie.
Pourra-t-on garder ensemble tous les pions ? Contrôler le sud et le nord de l’échiquier, l’Est et l’Ouest ?
Et combien de temps l’Angleterre s’obstinera-t-elle ?
Mais telles sont les données. Il n’est pas en son pouvoir de les changer, dès lors que la France veut, et c’est le legs de la Révolution, conserver la rive gauche du Rhin.
Impossible d’y renoncer. C’est le coeur sacré de l’héritage.
Lorsque, dans les grands salons des Tuileries, les délégations se succèdent pour le féliciter de la paix enfin conclue, Napoléon s’attarde avec les représentants de Bruxelles : « Les Belges sont français, dit-il avec solennité, comme le sont les Normands, les Alsaciens, les Languedociens, les Bourguignons… Quand même l’ennemi aurait eu un quartier général au faubourg Saint-Antoine, le peuple français n’aurait jamais ni cédé ses droits, ni renoncé à la réunion de la Belgique. »
Les représentants belges saluent avec reconnaissance et enthousiasme. On acclame Napoléon.
Il semble soucieux. La paix est-elle possible alors ?
Il se rend au château de Neuilly, où Talleyrand donne une fête somptueuse pour célébrer le traité. On y écoute le poète Esménard exalter le Premier consul. C’est lui qu’on honore, plus que la paix. Des émigrés rentrés d’exil, les ambassadeurs, les plus jolies femmes de Paris se pressent autour de lui, qui se contente de passer, souriant et distant.
« Du triomphe à la chute, il n’y a qu’un pas. »
Cette pensée, avec laquelle il joue, lui vient chaque fois qu’il connaît un succès, que la foule l’acclame.
L’idée que la gloire est fugitive, que le pouvoir dont il dipose reste précaire ne le tourmente pas. Elle est en lui, simplement, comme une réalité qu’il constate, qu’il ne doit pas oublier parce qu’il sait d’où il vient, et qu’il a vu, il le répète à Bourrienne, ce 12 avril 1801, « dans les plus grandes circonstances qu’un rien a toujours décidé des plus grands événements ».
Bourrienne lui tend les dépêches que vient d’apporter aux Tuileries le courrier du Nord.
Napoléon lit.
Le tsar Paul I er a été
Weitere Kostenlose Bücher