Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le spectre de la nouvelle lune

Le spectre de la nouvelle lune

Titel: Le spectre de la nouvelle lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
Vom Netzwerk:
Grand des pouvoirs les plus étendus, tels que définis par l’ordre en notre possession, décrétons ce qui suit : les désordres, forfaits, crimes et sacrilèges, d’une extrême gravité, qui ont troublé et ensanglanté une partie du Berry ressortissent au ban impérial ; en conséquence, toutes les recherches et enquêtes, tous les témoignages et jugements concernant cette situation, qui ne peut être tolérée plus longtemps, sont de la compétence exclusive des missionnaires du souverain, de nous-mêmes. Tous ceux, laïcs ou religieux, qui détiennent autorité, de tous rang et dignité, recevront nos ordres et auront pour agréable d’y obéir sans retard et sans réticence. De même, tout homme libre, tout colon, se tiendra à notre disposition pour exécuter toute tâche que nous estimerons utile de lui confier. Tous les moyens nécessaires, en hommes comme en fournitures, devront être immédiatement livrés. Les dispositions ainsi arrêtées seront appliquées aussi longtemps que l’exigeront les recherches pour découvrir les coupables, pour leur jugement et leur châtiment, pour le retour au respect de l’ordre divin.
    Le comte Sturbius parut à la fois surpris et accablé par cette décision abrupte. Il crut devoir ajouter que « naturellement, les représentants du souverain pouvaient compter sur son dévouement, qui…» Childebrand lui lança alors un regard si noir qu’il laissa sa phrase en suspens. Quant à l’archevêque Ermembert, son visage crispé exprimait une surprise douloureuse, mais il s’abstint de toute appréciation.
    — Conformément à ce que le comte Childebrand a indiqué, je vais me rendre immédiatement en Brenne, annonça Erwin. Mon ami prolongera de quelques jours sa mission à Bourges même, afin d’y régler des questions pendantes comme le recrutement pour l’ost et le paiement des recettes dues au trésor royal.
    — Dois-je pour toi, mon père, prévoir une escorte ? bredouilla Sturbius.
    — Nos assistants et quatre gardes aux ordres du fidèle Sauvat suffiront à cela. Reste notre hébergement. Si les moyens dont dispose le comté sur place sont aussi réduits que tu l’as affirmé…
    Sans laisser à Sturbius le temps de protester, le missus se tourna démonstrativement vers l’archevêque.
    — Mais, peut-être, l’Église, elle… commença-t-il.
    — Assurément, répondit Ermembert quelque peu rasséréné. Puis-je te conseiller l’abbaye Saint-Pierre, fondée par saint Siran ( 8 ) ? Elle est dirigée par l’abbé Ferréol, homme de grand savoir et d’admirable piété, supérieur avisé. Ce monastère est situé à Longoret, non loin de Mézières et, pour ainsi dire, en plein marécage. Tu y seras à pied d’œuvre.
    — Parfait ! Veuille donner des ordres dans ce sens !
    Au sortir de cette entrevue, tandis que les deux missi regagnaient les écuries où se trouvaient leurs montures, Childebrand, qui méditait sombrement, s’arrêta brusquement et, se tournant vers Erwin, lui dit :
    — Je sais, par Dieu, que ce Sturbius s’est couvert de gloire dans les combats. Il a, dit-on, sauvé Charles lui-même alors qu’il était assailli de toutes parts. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu d’être distingué par notre prince. Cependant ici, maintenant, il ne s’agit plus de vaillance, mais de discernement, de jugement. Et alors, là…
    — C’est étrange, plaça le Saxon en se caressant la nuque avec un air réfléchi, la plupart des affranchis que j’ai connus étaient gens remarquables par les qualités de leur esprit plutôt que par la force de leur bras. Et celui-ci…
    — Voici la preuve qu’il n’est pas toujours avantageux, si je puis me permettre de le dire, de puiser hors des lignées fameuses pour les fonctions les plus importantes, comme celle de comte.
    — Diras-tu cependant que ma lignée est assez fameuse pour un missus dominicus ? plaça le Saxon avec un sourire.
    — Toi ? Par tous les saints, je suis certain que oui en ton pays !
    Le lendemain, Erwin et son escorte prirent, dès l’aube, la route de Châteauroux à travers des pays où dominaient les friches ; des prés à l’herbe haute et abondante ne nourrissaient cependant que de pauvres troupeaux ; les bois, mal entretenus, étaient encombrés de fourrés et de ronciers. Beaucoup de demeures, résidences, chaumières ou masures, avaient certes été reconstruites, mais de nombreuses encore étaient en ruine.
    — Cette terre, à l’évidence, manque de bras

Weitere Kostenlose Bücher