Le spectre de la nouvelle lune
pas mort, condamné. Erwin le Saxon, quant à lui, fait partie d’une école nouvelle qui commence, parallèlement aux procédures traditionnelles, à utiliser les enquêtes pour déterminer innocence ou culpabilité. Il est vrai qu’il dispose, pour ce faire, de toute l’autorité d’un « envoyé du souverain ».
Car les missi dominici possèdent des droits de justice étendus. Ils peuvent présider le tribunal du comté ou convoquer des assises exceptionnelles. Ils peuvent juger tous les représentants de l’empereur sur leur territoire de mission, casser une sentence du comte et faire venir devant eux une cause en appel. Eux seuls peuvent trancher les litiges successoraux… Lorsqu’il s’agit d’affaires d’importance, mettant notamment en cause des Grands de l’empire, ils peuvent décider de les porter devant le tribunal de l’empereur. Celui-ci juge en dernier recours, y compris pour les causes qui n’ont pas été tranchées par les tribunaux ecclésiastiques. Le souverain ne préside lui-même ce tribunal impérial que pour les affaires majeures ou qu’il juge telles.
Les condamnations
Selon le principe général, les condamnations, quand il s’agit d’hommes libres, consistent en paiement de compensations en argent sanctionnant délit, agression et même meurtre. Leur montant, selon un tarif détaillé et précis, est proportionnel à la gravité des dommages, blessures ou meurtre. Il est d’autre part fixé en fonction du statut social de la victime. Chacun a sa valeur pécuniaire, son wergeld. Plus on est « grand », plus on vaut cher, mieux on est protégé. Cependant, surtout lorsque l’accusé n’est pas un homme libre, ou encore quand le crime est jugé exceptionnellement grave, des peines beaucoup plus lourdes peuvent être prononcées : réclusion dans un monastère, servitude, châtiments corporels, yeux crevés… et la mort sous des formes plus ou moins cruelles. Il faut noter que dans les cas où une amende est infligée par le tribunal du comte, celui-ci en retient une fraction comme rétribution de ses services, ce qui explique qu’il ait facilement la main lourde.
LA VIE QUOTIDIENNE
La vie quotidienne, en ce début de IX e siècle, combine les mœurs et coutumes héritées du passé gallo-romain et celles des peuples envahisseurs, avec les dures nécessités du temps qui sont les effets des dommages, dévastations et pénuries produits par des guerres incessantes, encore que le règne de Charles ait apporté des améliorations. Ces éléments disparates ont fini par produire une civilisation originale, esquisse de la société féodale et qui s’exprime dans l’habitat, le vêtement, la nourriture et différents usages autant que dans les domaines politique, judiciaire et culturel.
Nous rappellerons seulement ici que, concernant le temps, le jour est divisé en deux fois douze heures. Les douze heures de la journée sont comptées du lever au coucher du soleil, celles de la nuit du coucher au lever, et cela quelles que soient la latitude et la saison. Elles varient donc en durée d’un jour à l’autre, d’un lieu à un autre. Pour mesurer le temps, les carolingiens disposent de cadrans solaires, de sabliers et d’horloges hydrauliques plus ou moins complexes. Trois collations ou repas jalonnent la journée, le déjeuner au petit matin, le dîner à midi et le souper à la tombée de la nuit.
Quant aux distances, nous les avons exprimées en lieues, unité d’origine gauloise, en décidant, très arbitrairement, que chacune valait à peu près quatre kilomètres. Pour les longueurs, nous avons compté trois pieds au mètre…
Concernant les aspects essentiels de la vie quotidienne, l’auteur espère que le récit lui-même aura su la faire revivre. Dans le monde dur et cruel qu’est restée la société carolingienne, elle préfigure et éclaire ce que sera le monde féodal. Elle explique aussi certains traits de notre propre civilisation qui est, de la Renaissance carolingienne, en ce temps de construction européenne, l’héritière très lointaine.
REMERCIEMENTS
Je voudrais exprimer ici mes remerciements à M. Gérard Coulon, conservateur du Musée d’Argentomagus, qui, originaire de la Brenne, est l’auteur de nombreuses études historiques et archéologiques et d’une quinzaine d’ouvrages sur la période gallo-romaine et sur le Berry, parmi lesquels : Les Gallo-Romains (2 vol.), éd. Armand Colin, et L’Enfant en Gaule romaine , éd.
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