Le templier déchu
notre capitulation. Mais nos archers seront tapis sur le chemin de ronde, et lorsque ce bouffon fera son entrée triomphale, croyant être accueilli en vainqueur par la dame du château, ils lanceront leurs traits enflammés...
— ... qui mettront le feu à la poix pour former un mur de flammes ! acheva Aubert, l’air stupéfait. La surprise sera totale, car personne ne se doutera que nous puissions être assez fous pour allumer un feu à l’intérieur de nos propres murs !
— Oui. C’est un risque calculé, mais le château ne sera pas vraiment en danger. Les murailles maintiendront les flammes dans la cour extérieure, et il est peu probable qu’elles gagnent la cour intérieure.
Aubert hocha la tête en silence, mais déjà sa maîtresse enchaînait :
— Les soldats seront pris au piège car, bien sûr, nous refermerons la herse dès qu’ils auront franchi le pont-levis. Ah, je vous garantis que Lennox n’est pas près d’oublier le siège de Dunleavy ! ajouta-t-elle avec un sourire mauvais.
— Prions Dieu pour que tout se passe ainsi, madame. Sinon, nous aurons volontairement ouvert nos portes à l’ennemi.
— Dieu nous assistera. J’ai foi en Lui, Aubert, ainsi que dans tous les vaillants soldats de Dunleavy qui nous permettront de triompher. Je vous fais confiance pour mettre le processus en marche. De mon côté, je vais me préparer à recevoir dignement le comte de Lennox.
— N’ayez crainte, madame. Tout sera prêt en temps voulu, assura l’intendant, qui s’inclina brièvement avant de s’éloigner en hâte.
Elizabeth s’accorda quelques secondes de répit, le temps de prendre plusieurs inspirations profondes et d’adresser une courte prière au Seigneur.
Elle avait besoin de Son aide pour se fortifier avant de se préparer à terrasser l’ennemi.
1
Deux semaines plus tard, forêt d’Inglewood, dans les environs de Carlisle, au nord de l’Angleterre
Il serait pendu à l’aube.
Alexandre de Ashby appuya la tête contre le tronc du chêne auquel il était ligoté. Dans cette position, il pouvait contempler le ciel de cette fin d’après-midi. Gêné par la luminosité, il cligna des yeux, s’efforçant d’oublier la brûlure causée par la plaie qui suintait à son front. Son regard glissa sur les frondaisons, à la recherche de la branche assez solide pour supporter le poids de sa misérable carcasse, quand il serait temps de passer de vie à trépas.
À cet instant, un souffle de vent fit bruire les feuillages, et permit à un rayon de soleil de lui brûler la rétine. Aussitôt, la douleur explosa dans sa tête et culmina dans la bosse à l’arrière de son crâne, ultime cadeau des soldats anglais qui l’avaient fait prisonnier quelques heures plus tôt – ou plutôt de l’unique soldat, sur les six, qu’il n’avait pas proprement assommé.
Paupières closes, il essaya de réfléchir.
Cette petite échauffourée avec les soldats du roi Édouard allait lui coûter la vie. Au matin prochain, il se balancerait au bout d’une corde, pour avoir tué au moins deux hommes, et en avoir laissé trois autres fort mal en point.
Mais le sixième...
Une violente douleur fusa le long de ses bras tandis qu’on tirait brutalement sur ses liens.
— Garde-à-vous, fils de truie ! aboya le soldat.
Oui, le sixième...
Alexandre rouvrit les yeux et croisa le regard haineux de l’homme. D’instinct, il banda ses abdominaux, certain que celui-ci allait lui envoyer son poing dans cet endroit précis. Mais cette fois, le soldat ne le frappa pas. Il semblait même plutôt calme et maître de lui. Campé sur ses jambes, il se tenait le dos bien droit, et Alexandre ne tarda pas à comprendre la raison de cette attitude si rigide.
Un autre homme venait d’apparaître dans son champ de vision. Un officier supérieur sans doute, et probablement de haute naissance, à en juger par sa tenue vestimentaire.
Tandis que le soldat reculait, le nouveau venu s’approcha à pas lents. S’immobilisant devant Alexandre, il le détailla de la tête aux pieds, avant de river son regard bleu glacial au sien. Ses traits demeurèrent impassibles, mais ses narines palpitèrent légèrement et un éclair s’alluma au fond de ses prunelles presque transparentes.
Alexandre soutint ce regard avec une insolence détachée, allant même jusqu’à esquisser un sourire goguenard. C’était le genre de réactions instinctives qui, par le passé, lui avaient occasionné maints
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