Le Testament Des Templiers
ère glaciaire. Il était étonnant de penser, pour autant que les calculs de son équipe aient été exacts, qu’il y a seulement trente mille ans l’Europe ne comptait que cinq mille humains environ. Cinq mille âmes, autant dire presque rien ! Si ces quelques courageux n’avaient pas trouvé refuge contre le froid glacial dans les havres protecteurs du Périgord, de la Cantabrie et des côtes ibériques, ces deux joyeuses jeunes femmes – ni qui que ce soit d’autre – ne seraient pas là aujourd’hui.
Mais les deux créatures n’arrêtaient pas de chuchoter et de jeter des coups d’œil dans sa direction. Apparemment, elles s’ennuyaient, à moins qu’il n’ait été simplement trop irrésistible, avec ses cheveux noirs épais qui retombaient sur son col, sa barbe de deux jours, son crayon aux lèvres comme une cigarette, et ses bottes de cow-boy dépassant négligemment de son jean étroit. Par certains côtés, il paraissait bien plus jeune que son âge, mais ses lunettes de lecture contredisaient cette impression et le faisaient davantage ressembler au professeur de quarante-quatre ans qu’il était.
Un ultime sourire furtif de la plus jolie des deux, celle assise au bord du couloir, eut raison de sa résistance déjà bien entamée. Il soupira, rangea ses papiers et, en trois enjambées, arriva à leur niveau. Dès lors, un simple « bonjour » suffisait.
La fille au bord du couloir débordait d’enthousiasme.
« Bonjour. Mon amie et moi, nous nous demandions qui vous étiez. »
Il sourit.
« Je suis Luc, c’est tout.
– Vous êtes acteur de cinéma ?
– Non.
– De théâtre ?
– Non plus.
– Alors quoi ?
– Je suis archéologue.
– Comme Indiana Jones ?
– Exactement. Tout à fait comme lui. »
La fille au bord du couloir jeta un regard à son amie, puis lui demanda :
« Aimeriez-vous prendre un café avec nous ? »
Luc haussa les épaules et pensa un instant au travail qu’il n’avait pas terminé.
« Oui, bien sûr, répondit-il. Pourquoi pas ? »
3
L e général André Gatinois se promenait d’un bon pas au cimetière du Père-Lachaise, comme tous les jours à l’heure du déjeuner par beau temps. Rester mince à la cinquantaine devenait difficile, et il s’obligeait de plus en plus souvent à se passer de déjeuner et à marcher quelques kilomètres à la place.
Le cimetière, le plus vaste de Paris et probablement le plus visité au monde, était la dernière demeure de personnalités comme Proust, Chopin, Balzac, Oscar Wilde et Molière. Au grand agacement de Gatinois, c’était également l’endroit où était enterré Jim Morrison, et il se plaignait personnellement au directeur du cimetière chaque fois qu’un fan des Doors, un imbécile, taguait « Tombe de Jim » avec une flèche sur la maçonnerie.
Le cimetière se trouvait à un kilomètre à peine de son bureau boulevard Mortier dans le 20 e arrondissement mais, pour passer le plus de temps possible dans la verdure, il se faisait conduire par son chauffeur jusqu’à l’entrée principale, et lui demandait de l’attendre jusqu’à ce qu’il ait terminé sa promenade. La plaque d’immatriculation de sa Peugeot 607 noire lui assurait que son chauffeur ne serait pas ennuyé par la police.
Le cimetière était immense, s’étendant sur quelque cinquante hectares, et cela permettait à Gatinois de modifier son parcours. En cette journée de fin d’été, les feuilles des arbres commençaient à changer de couleur et bruissaient agréablement avec la brise. Parmi la foule des visiteurs, son élégant costume bleu, sa coupe de cheveux militaire et son maintien raide le distinguaient de la majorité des gens débraillés en jeans et en sweat-shirts.
Plongé dans ses pensées, il s’était davantage enfoncé dans le cimetière que d’habitude, et il accéléra le pas pour ne pas arriver en retard à sa réunion hebdomadaire avec son staff. Une grande tombe décorée située sur un monticule le fit ralentir et s’arrêter un instant. C’était une construction de style byzantin encadrée de colonnes, à l’intérieur de laquelle se trouvaient deux tombeaux côte à côte avec des gisants sculptés en marbre, un homme de l’époque du Moyen Âge et une femme : la tombe d’Héloïse et Abélard. Les amants maudits du XII e siècle avaient si parfaitement symbolisé le véritable amour que, en hommage de la Nation, leur dépouille avait été transportée
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