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L'empereur des rois

L'empereur des rois

Titel: L'empereur des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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de la chambre.
    Cela ne fait que quelques minutes qu’il vient de descendre de voiture dans la cour du palais des Tuileries, ce lundi 23 janvier 1809, à 8 heures, et déjà il étouffe. Ces pièces sentent le renfermé, le parfum entêtant, le sommeil des vieilles gens ! Voilà six jours et six nuits qu’il court les routes depuis Valladolid, qu’il comprime son énergie, sa colère, comme des ressorts, et ce palais endormi est une eau stagnante.
    Ces gens croupissent ! Savent-ils d’où il vient ? Imaginent-ils ce qui se passe en Espagne ? Ce qu’il y a vécu ? Ce qu’y vivent les soldats, le meilleur de son armée, qu’il a laissés là-bas ?
    Roustam a déjà préparé son bain. Foutre du bain !
    Il a l’impression qu’il a déjà laissé filer trop de temps sans agir. Il veut interroger Cambacérès, les espions de sa police, pour savoir ce qui s’est tramé ici, ce qu’ont ourdi Fouché, Talleyrand et tous ceux qui ont imaginé qu’il allait mourir en Espagne ou revenir si affaibli qu’on pourrait le remplacer par Murat !
    Murat ! Et ma propre soeur Caroline !
    Mais il est là, vivant. Ils vont devoir rendre des comptes. Qu’ont-ils dit ? Qu’ont-ils fait durant ses trois mois d’absence ? Il veut tout savoir. Il veut la vérité.
     
    Après quelques heures, il sait. C’est chez Mme de Rémusat que Talleyrand a dit : « Le malheureux va remettre en question toute sa situation. »
    Le malheureux, c’est moi .
    Il écoute ses informateurs qui parlent d’une voix tremblante. Ils craignent les espions de Fouché. On a vu le ministre de la Police générale, confirment-ils, dans l’hôtel du prince de Bénévent, rue de Varenne. Les deux hommes se sont promenés de salon en salon, bras dessus, bras dessous, au milieu des invités. Talleyrand a parlé à haute voix des affaires d’Espagne. « C’est une basse intrigue, a-t-il dit, et c’est une entreprise contre un voeu national ; c’est prendre à rebours sa position et se déclarer l’ennemi des peuples ; c’est une faute qui ne se réparera jamais. »
    Napoléon se souvient des conseils de Talleyrand, qui l’incitait à chasser les Bourbons d’Espagne.
    Il ne pense qu’à cette trahison, à cette guerre couverte que Talleyrand conduit contre lui. Il veut le foudroyer par surprise.
     
    Il se montre dans les rues de Paris. Il visite les constructions du Louvre et de la rue de Rivoli. Il se rend à l’Opéra en compagnie de Joséphine. Mais il bouillonne d’indignation. Il ne peut plus rester assis si longtemps. Il se lève, rentre seul aux Tuileries, se fait apporter les états de situation des armées. Il dénombre, il compte, il répartit. Il va devoir laisser les troupes de ce qui fut la Grande Armée, et qu’il appelle parfois maintenant l’Armée impériale, en Espagne. Il va donc falloir reconstituer en quelques semaines une armée d’Allemagne, avec des conscrits, des étrangers, Badois, Wurtembourgeois, Westphaliens, Polonais, Italiens et même quelques milliers d’Espagnols. Il disposera de 350 000 hommes dont 250 000 Français, et parmi eux 100 000 vétérans qu’il placera sous le commandement de Davout. Eugène, en Italie, a 100 000 hommes à sa disposition. Les archiducs Charles et Jean peuvent compter sur 300 000 Autrichiens.
    Il dit, en fermant les états de position :
    — Je double la force de mes troupes quand je les commande. Quand j’ordonne, on obéit, parce que la personnalité est sur moi. C’est peut-être un mal que je commande en personne, mais c’est mon essence. Les rois, les princes ne devraient peut-être jamais commander leurs armées ; c’est une question. Si je les commande, c’est parce que tel est mon sort, mon lot particulier.
    D’être ainsi au travail, dans la nuit, l’apaise.
    Marie n’est pas à Paris.
    Il congédie Méneval, appelle Constant.
     
    L’un des rapports de police fait état de la naissance, le 11 novembre 1808, d’une petite fille prénommée Émilie Pellapra, née de Françoise Marie Leroy, épouse du receveur général de Caen, Pellapra.
    Il se souvient de cette jeune femme rencontrée à Lyon, sans doute en 1805, et qu’il avait reçue quelquefois aux Tuileries, ici, dans son appartement privé. Et les dernières fois, en mars 1808, avant de partir pour Bayonne. Il y a moins d’une année. Le temps de porter un enfant.
    Il veut voir cette femme, cette nuit.
     
    Il la guette, la surprend au moment où Constant referme la porte

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