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L'empereur des rois

L'empereur des rois

Titel: L'empereur des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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espagnole, réfugiée à Séville, a décrété le soulèvement de tout le peuple contre les Français, et incité chaque Espagnol à les tuer. Le moment est donc propice, estime-t-on à Vienne, pour déclencher la guerre en Allemagne. Fouché et Talleyrand le savent, et le prince de Bénévent l’espère sans doute. Murat est l’homme qui, ayant un prestige militaire, pourrait succéder à l’Empereur.
    Napoléon serre les dépêches dans son poing, en bourre les poches de sa redingote.
    Il avait l’intuition de tout cela.
    Il marche lentement autour du brasier. Les soldats s’écartent.
    Il ne pensait pas, cependant, que le complot soit parvenu à ce point de préparation. Fouché ! Talleyrand ! Murat !
    Il se souvient d’Erfurt, des informations qu’on lui avait transmises sur les longues soirées passées entre le tsar et Talleyrand.
    Il remonte en selle. Il laisse le cheval avancer au pas. C’est comme si cet élan qui le poussait vers Astorga venait de se briser. Le front principal n’est plus ici, en Espagne. Il doit changer de direction, comme lorsque dans une bataille une armée ennemie surgit là où on ne l’attendait pas.
    Il faut qu’il rentre à Paris, qu’il étouffe ces comploteurs, qu’il écrase Vienne si elle ose, comme tout le laisse à penser, déclencher la guerre.
    Reste à choisir le moment de son départ d’Espagne.
    Il lève la tête. La ville d’Astorga est devant lui, obscure et déserte.
    Il faut s’arrêter ici. Ce n’est plus lui, il le sait maintenant, qui conduira la bataille contre les Anglais de Moore. Le combat principal qu’il doit livrer est à Paris, et contre l’Autriche.
    Mais il ne doit quitter l’Espagne que lorsque les Anglais en auront été chassés, et lorsqu’il aura repris l’armée en main, afin de laisser à Joseph un royaume pacifié et ayant les moyens de faire face. Il ne faut pas que, lorsqu’il sera engagé contre les Autrichiens, l’Espagne soit à nouveau une plaie ouverte.
    Il fait si froid, dans la maison où il entre, qu’en dépit du grand feu qu’allument les fourriers il continue de grelotter.
     
    La pluie tombe sur Astorga durant tous ces premiers jours de janvier 1809, glacée. Il va d’une maison à l’autre. Les grenadiers y sont cantonnés. Il s’installe devant la cheminée. Il les questionne. Il sait que trois soldats de sa Garde, sur la route, se sont suicidés, désespérés par la fatigue, l’impossibilité où ils étaient de s’arrêter de crainte d’être torturés par les Espagnols. Et combien d’autres se sont couchés pour mourir dans la boue. Il les a vus.
    Il conforte en quelques mots, en quelques gestes ces hommes épuisés. Les soldats lui font cortège. Ils ne crient pas « Vive l’Empereur ! », mais il est l’un des leurs par les souffrances partagées. À jamais.
    Il passe en revue les troupes de Soult et de Ney, qui viennent d’arriver à Astorga. Il dirige Soult vers La Corogne, là où John Moore s’est replié, attendant les navires anglais sur lesquels il compte embarquer.
    Tout à coup, des cris aigus. Ils proviennent d’une immense grange située à quelques pas du lieu où se déroule la revue. Des soldats se précipitent, ouvrent les portes. Napoléon s’approche. Dans la pénombre, il aperçoit un millier de femmes et d’enfants couverts de boue, entassés les uns sur les autres, affamés. Ce sont des Anglais qui suivaient l’armée, familles des soldats abandonnées dans la retraite. Ces femmes l’entourent, s’agenouillent, supplient.
    Il donne ordre qu’on les loge dans les maisons d’Astorga, qu’on les nourrisse et qu’on les renvoie aux Anglais dès que le temps le permettra.
    Il rentre. C’est cela, la guerre.
    Il se sent à la fois résolu comme jamais et pénétré d’amertume.
    Il se place le dos au feu. Il dicte, il écrit.
     
    Il voudrait ne pas exprimer sa méfiance à l’égard de Fouché et de Talleyrand ou de Murat, pour mieux les surprendre. Mais la colère l’emporte.
    « Croyez-vous, dit-il à Fouché, que je suis tombé en quenouille… Je ne sais, mais il me semble que vous connaissez bien peu mon caractère et mes principes. »
    Il parcourt les dépêches où Joseph, Cambacérès lui adressent leurs voeux pour la nouvelle année et parlent de paix ! Que n’ont-ils vu ces femmes et ces enfants qui se nourrissaient depuis plusieurs jours d’orge crue ! Ils auraient compris ce qu’est l’hostilité anglaise.
    « Mon frère, dit-il à

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