L'épervier de feu
Le 27 juillet 1347, dans la soirée, Philippe VI, à la tête d’une immense armée, parvient devant Calais. En quête d’un exploit susceptible d’impressionner les Anglais qui, depuis un an, assiègent les Calaisiens terriblement éprouvés par la famine, le roi de France enjoint à Ogier d’Argouges d’emmener les gens des communes du Tournaisis à la conquête de la tour de Sangatte, un objectif dénué d’importance stratégique.
La tour est prise lors d’un assaut bref mais meurtrier. Un chevalier anglais surgit devant Ogier. Ils s’affrontent à l’épée dans un duel inégal. En effet, le Goddon est fervétu. Pour se mouvoir aisément, le Français a renoncé au port de l’armure.
Ce terrible adversaire est Renaud de Cobham. Sans l’efficace intervention de Gauthier de Masny, l’infortuné champion de Philippe VI, grièvement blessé, subirait le coup de grâce.
Emmené en Angleterre, soigné par Odile et Éthelinde de Winslow, Ogier reprend des forces et s’enfuit. Il doit à un archer, Shirton, de ne pas être repris. Dès lors, il n’a qu’un dessein : rencontrer Hugh Calveley dont il espère l’aide et la protection. Naguère, bien qu’ennemis, ils se sont secourus l’un l’autre.
Or, Calveley n’est point à Bunbury, son fief. Peut-être ira-t-il courir des lances aux joutes d’Ashby de la Zouche, les dernières de l’année, auxquelles Édouard III assistera.
Ogier et Shirton cheminent vers ce haut lieu des fêtes guerrières. Ils ont pour compagnes l’irascible Elisabeth et la jeune Griselda délivrées, à Brackley, d’une auberge interlope. Parvenu à Ashby, Ogier retrouve sa cousine, Tancrède, passée à l’ennemi, et son oncle, Guillaume de Rechignac, capturé lors du siège d’Auberoche. Pour avoir refusé d’acquitter sa rançon, le vieux et farouche seigneur subit le sort d’un prisonnier à vie.
Une tentative d’évasion échoue. Shirton seul parvient à s’échapper. Ogier, Guillaume et Étienne de Barbeyrac, compagnon d’infortune du baron de Rechignac, comparaissent devant Édouard III.
Le roi d’Angleterre leur propose un challenge : gagner leur liberté en affrontant victorieusement trois de ses hommes liges lors d’un combat sans merci.
Ces chevaliers sont Simon de Brackley, que Griselda, morte depuis, exécrait ; Lionel de Dartford, l’amant de Tancrède, et Renaud de Cobham.
Ogier se revanche du traitement qu’il a subi à Sangatte mais renonce à exécuter Cobham lorsqu’il gît à sa merci. Étienne de Barbeyrac triomphe aisément de Simon de Brackley. Dartford, lui, n’a point de grandeur d’âme : oubliant que Guillaume de Rechignac, qui pouvait l’occire, s’était montré magnanime, il tue sans remords le vieux guerrier.
Shirton, l’archer à l’œil infaillible, exécute ce chevalier indigne, approuvé par la reine des joutes, Jeanne de Kent, et ses dames d’honneur dont Tancrède. Hugh Calveley arrive à temps pour soustraire Barbeyrac, Shirton et Ogier, à la fureur du roi d’Angleterre.
Comme on le verra dans les pages suivantes, Édouard III se sera vengé maigrement de cet affront imprévisible. Le jour vient enfin, – un jour gris de novembre 1348 – où les deux chevaliers aux Lis vont s’embarquer pour la France.
Mais pour y trouver quoi ?
PREMIÈRE PARTIE
LA MORILLE
I
— Ainsi, c’en est fini d’une longue accointance…
Levant la tête, Ogier d’Argouges comprit d’un regard que l’affliction et l’amertume d’Hugh Calveley n’étaient pas feintes.
Sa pâleur, ses sourcils froncés, le serrement de ses grosses mâchoires sous une barbe de quelques semaines, témoignaient d’un regret dont l’acuité lui fut désagréable.
— Ton déplaisir, dit-il, me touche et me consterne. Ce que je ressens, moi, c’est au-delà de mon soulagement, une amitié pour toi de plus en plus solide, infaillible. La guerre, sois-en sûr, ne l’affaiblira point.
Se détournant, Ogier entrevit les faces attristées d’Étienne de Barbeyrac et de Jack Shirton. Il ne put contenir un rire équivoque et chagrin :
— Le destin quelquefois nous joue d’étranges tours. C’est à Sandwich que j’ai débarqué il y a un an. J’y reviens ce jour d’hui, 25 novembre, anniversaire de ces joutes d’Ashby où tu nous as sauvés du courroux de ton roi.
— Aidés me paraît préférable, corrigea Calveley en enfonçant son chaperon sur ses crins roux afin qu’il résistât aux souffles
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