L'épopée d'amour
s’inclina plus profondément. Il avait quelque chose à dire… Maurevert songeait à la recommandation que lui avait faite le duc de Guise par une nuit de fête : il fallait blesser et non tuer Coligny… Maurevert voulait garder les bonnes grâces du duc, tout en obéissant à la reine. Et laissant de côté la fiction que c’était un ami à lui qui devait tirer sur l’amiral, il dit :
– Et si je le manquais, madame ?
– Eh bien, fit la reine tranquillement, vous en seriez quitte pour recommencer !
– Ainsi, insista le bravo, que l’amiral meure ou ne meure pas, demain matin, mes deux prisonniers du Temple sont bien à moi ?…
– Oui !… à condition que j’assiste à la question.
Là-dessus, Catherine rentra dans son oratoire. Quelques minutes plus tard, Maurevert sortait du Louvre.
Dans l’embrasure de fenêtre de l’antichambre, le vieux La Garde disait à ce moment :
– Monsieur l’amiral, si vous m’en croyez, vous hâterez les derniers préparatifs… J’ai bataillé contre vous… à Jarnac et à Moncontour, j’ai fait ce que je pouvais. Je suis au service de l’Eglise romaine, et vous dans une congrégation ennemie de la mienne… Mais j’ai pour vous l’estime qu’on doit à un chef illustre… permettez-moi d’insister… il faudrait que dans un mois au plus tard, vous soyez en campagne.
– Dans un mois, mon cher baron ! Dites dans dix jours, et vous serez dans la vérité.
– Ah ! tant mieux ! fit le vieux La Garde avec un soupir de soulagement.
Les deux chefs se serrèrent la main et La Garde descendit au jeu de paume pour faire sa cour au roi dont on entendait les cris de joie à chaque bon coup qu’il portait.
Coligny, ayant roulé ses papiers, les plaça sous son bras, et faisant signe à ses gentilshommes, descendit à son tour et sortit du Louvre, répondant d’un sourire aux saluts respectueux, et d’un joyeux geste de la main aux sentinelles du pont-levis qui lui rendaient les honneurs.
Maurevert, sans se presser, était arrivé au cloître Saint-Germain-l’Auxerrois. Il entra dans une maison basse dont les fenêtres du rez-de-chaussée étaient grillées : c’est là que demeurait le chanoine Villemur. Mais depuis trois jours, le chanoine avait ostensiblement quitté la maison, se rendant, disait-il, auprès d’une parente qui habitait la Picardie.
La maison passait donc pour inhabitée, le chanoine ayant, pour un mois, donné congé à sa servante.
Maurevert se glissa dans l’intérieur par une petite porte qu’une main mystérieuse lui entrouvrit du dedans, et il parvint bientôt dans la salle à manger qui se trouvait au rez-de-chaussée.
– C’est le moment ! dit-il alors à l’homme qui lui avait ouvert et qui l’avait accompagné.
Cet homme, c’était le chanoine Villemur.
– Je le savais, répondit simplement le chanoine. Venez.
Maurevert suivit son hôte, qui lui fit traverser trois pièces et l’introduisit enfin dans une cour qui se trouvait sur le derrière de la maison. La cour était clôturée de murs assez élevés. Une porte permettait d’en sortir. Villemur l’ouvrit et montra à Maurevert une sente déserte qui aboutissait à la Seine.
– Vous fuirez par là, dit-il. Et voici pour votre fuite.
Du doigt il désigna un vigoureux, cheval tout sellé, attaché par le bridon à un anneau.
– C’est monseigneur Henri de Guise, reprit le chanoine, qui s’est ainsi occupé de votre sûreté. Ce cheval sort de ses écuries. Vous prendrez la sente, vous tournerez à gauche, et suivrez la Seine. A la porte Saint-Antoine, on vous laissera passer. Vous gagnerez le Soissonnais ; puis, tournant à droite, vous vous dirigerez sur Reims. Là, vous attendrez.
– Bien, bien, fit Maurevert avec un sourire narquois. Croyez-vous vraiment à la nécessité de ma fuite ?
– Je crois qu’il y va de votre tête, dit sincèrement le chanoine.
– Je fuirai donc, reprit Maurevert parfaitement résolu à n’en rien faire.
Alors ils revinrent tous deux dans la salle à manger. Villemur prit dans un angle une arquebuse toute chargée et la présenta à Maurevert, qui l’examina attentivement.
– Parfait, dit-il enfin.
– Le voici ! s’écria à ce moment, et non sans quelque émotion, Villemur qui s’était posté à la fenêtre grillée.
Maurevert se rapprocha vivement.
Le chanoine se recula, mais de façon à ne rien perdre de ce qui allait se passer.
Maurevert avait appuyé le bout du canon de l’arquebuse
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