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L'épopée d'amour

Titel: L'épopée d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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réussit, Damville se contentera d’être le plus haut personnage du royaume après le roi. Il aura quelque chose comme une vice-royauté de tous les pays d’au-delà la Loire. Il sera connétable et lieutenant général de toutes les troupes. Deux millions de livres lui sont d’abord assurées.
    Mais ce que veut surtout Damville, c’est l’écrasement de son frère.
    La vieille haine qui date du jour lointain où Jeanne de Piennes le repoussa, cette haine a gangrené son âme. Elle est devenue un hideux ulcère inguérissable… Damville donnerait jusqu’à cette royauté qu’il rêve dans le secret de ses pensées, pour faire souffrir son frère. L’occasion va enfin se présenter : Damville s’est réservé l’attaque de l’hôtel de Montmorency… c’est lui qui veut prendre le vieil hôtel où le connétable son père a vécu ! Et le réduire en cendres ! Il prendra François et le tuera de ses mains… Puis il emportera Jeanne de Piennes dans sa vice-royauté !
    Comment ! Montmorency est donc compris dans les massacres ? Pourtant il n’est pas huguenot !… C’est vrai, mais il est suspect.
    Le parti modéré qui veut l’apaisement le considère comme son chef naturel. Et puis d’ailleurs, est-il vraiment besoin d’être huguenot pour être condamné ? Toute maison où il y aura quelque chose à prendre ne sera-t-elle pas bonne à brûler ?…
    L’histoire nous dit que Montmorency fut compris dans le carnage parce qu’il était le chef naturel des Politiques ; mais l’histoire est une vieille bavarde superficielle. Nous disons, nous, que Montmorency fut condamné parce qu’on avait une haine à assouvir contre lui… Damville, donc, en cette période où nous essayons d’indiquer la position générale de la mise en scène historique, attendait donc avec la certitude que sa haine et son amour, avant peu, recevraient du même coup leur satisfaction. Cependant, il ne néglige aucune précaution. Par Gillot qui a réussi à s’introduire dans l’hôtel Montmorency, il sait tout ce que fait et dit son frère, et il prend ses mesures en conséquence.
    Car Gillot espionne activement… Seulement, il y a une chose, une seule, dont il n’a pu informer son oncle Gilles, pour la raison qu’il l’ignore. Et cette chose, qui peut-être bouleverserait de fond en comble les plans de Damville, c’est que la malheureuse Jeanne de Piennes est folle…
    Pénétrons maintenant dans l’hôtel de Montmorency. Là se trouvent cinq personnages qui nous intéressent et qui – nous osons du moins l’espérer – intéressent également le lecteur.
    D’abord, nos deux héros d’amour : le chevalier de Pardaillan et Loïse de Piennes de Montmorency.
    Depuis qu’ils se sont dit leur amour, ils se parlent à peine. Et qu’est-il besoin de paroles ? Il n’est pas une pensée du chevalier qui n’aille à Loïse : il n’est pas un battement du cœur de Loïse qui ne soit pour le chevalier. Ils le savent. Leurs attitudes, l’accent de leur voix lorsqu’ils se disent les choses les plus insignifiantes, tout proclame leur amour. Ni l’un ni l’autre ne semble croire à l’effroyable orage qui s’amasse sur leurs têtes. Pour Loïse, c’est bien simple : elle mourrait en ce moment sans s’apercevoir qu’elle meurt, pourvu que lui fût près d’elle ! Et quel danger est possible quand le chevalier est là ? Elle n’a pas confiance : elle est la confiance même.
    Quant au chevalier, sûr de l’amour de Loïse, il croit n’avoir plus rien à redouter de la fortune adverse. Pourtant, il ne se croit pas certain d’être uni un jour à Loïse. Le maréchal de Montmorency a déclaré que sa fille est destinée au comte de Margency. Le chevalier de Pardaillan ne connaît pas ce comte, mais il fera tout au monde pour le rencontrer, et, l’épée à la main, lui disputera sa fiancée. Il la disputera au maréchal s’il le faut !
    En attendant, il vit dans une sorte d’engourdissement du cœur, tandis que son esprit alerte demeure actif. Quand il y songe, il trouve tout naturel que Loïse l’aime ; les choses devaient s’arranger ainsi… à d’autres moments, au contraire, il éprouve de cet amour un prodigieux étonnement… Il est comme un homme qui, d’une chambre obscure, entrerait tout à coup dans une salle de spectacle pleine de bruit, de lumières, de parfums, et qui, pendant quelques instants, demeure ébloui. Ainsi, dans le cœur du chevalier, il y a des lumières, des

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