Les champs de bataille
que sa mémoire fut comme une ombre tutélaire tout au long de sa vie, une ombre n’apparaissant que par sa couleur, sans visage, portée seulement par une main amie posée sur sonépaule : celle de Max. Et, alors qu’il s’apprête d’un geste à réconforter le tirailleur, une silhouette apparaît au bas des escaliers qui mènent aux étages supérieurs. C’est un homme. Il a été maltraité. Son visage, ensanglanté, dodeline au gré des pas de ceux qui le soutiennent. Ses pieds traînent au sol. Il paraît inconscient. Un bandage sale lui entoure la tête. Il respire à peine. Le juge murmure « Max, Max, Max ». Puis, à son compagnon de cellule, il confie que le préfet Jean Moulin fut la dernière personne à avoir vu son père en vie.
Il reste un court instant assis sur le sol, très faible, et, comme le soir tombe, il s’allonge dans un coin de la cellule, la tête tournée vers le mur. Il pleure. Dans l’ombre, il attend. Lorsque le tirailleur s’est endormi, il étend la main vers le gobelet en fer-blanc, choisit sans voir l’angle qui lui entaille le plus profondément l’index puis, d’un geste immédiat, ramène son poignet à lui et se tranche la gorge.
Weitere Kostenlose Bücher