Les chasseurs de mammouths
toucher.
Le visage de Talut s’adoucit.
— Il faudra le lui demander, Latie. Ou peut-être à
Jondalar, ajouta-t-il en se tournant vers le grand étranger.
— Je n’en sais trop rien moi-même, répondit celui-ci. Ayla
sait s’y prendre avec les animaux. Elle a eu Whinney toute jeune.
— Whinney ?
— C’est le nom qu’elle a donné à la jument. Quand elle le
prononce, on croirait entendre hennir un cheval. Le poulain s’appelle Rapide. C’est
moi qui l’ai nommé : Ayla me l’a demandé. En Zelandonii, le mot s’applique
à quelqu’un qui court très vite. La première fois que j’ai vu Ayla, elle aidait
la jument à le mettre au monde.
— Ça devait valoir la peine d’être vu ! fit l’un des
compagnons de Talut. Je n’aurais pas cru qu’une jument se laisserait approcher
en un pareil moment.
La démonstration d’Ayla produisait l’effet escompté par
Jondalar. Il jugea le moment venu de parler de l’inquiétude de la jeune femme.
— Elle aimerait séjourner quelque temps dans votre Camp, je
crois, Talut, mais elle craint que vous ne considériez ses chevaux comme tous
les autres, comme du gibier. Et, comme les hommes ne leur font pas peur, ils se
laisseraient tuer.
— Pour ça, oui. Tu as dû deviner ma pensée. Mais comment
faire autrement ?
Talut regardait Ayla revenir vers eux. Elle avait l’air de
quelque être étrange, mi-humain, mi-cheval. Il se félicitait de n’être pas
tombé sur elle à l’improviste. Le spectacle l’aurait... dérouté. Il se demanda
un instant ce qu’il éprouverait sur le dos d’un cheval, et s’il serait aussi
impressionnant. Mais, en s’imaginant à califourchon sur l’un de ces chevaux des
steppes, solides mais assez petits, comme Whinney, il éclata d’un rire sonore.
— Je serais capable de porter cette jument plus facilement
qu’elle ne pourrait me porter ! dit-il.
Jondalar se mit à rire lui aussi. Il n’avait pas eu grand peine
à suivre les pensées de Talut. Plusieurs, parmi les assistants, sourirent. Ils
devaient tous s’être imaginés à cheval, se dit Jondalar. Cela n’avait rien de
surprenant : lui-même avait eu la même idée, la première fois qu’il avait
vu Ayla sur le dos de Whinney.
Ayla avait lu la surprise et le bouleversement sur les
visages du petit groupe. Si Jondalar ne l’avait pas attendue, elle aurait
poursuivi son chemin pour regagner sa vallée. N’avait-elle pas au cours de ses
jeunes années, assez souvent subi la désapprobation pour des actions
inacceptables ? Et, depuis, au cours de son existence solitaire, elle
avait joui d’une liberté assez grande pour n’avoir pas envie de se soumettre
aux critiques si elle suivait ses inclinations personnelles. Elle était toute
prête à déclarer à Jondalar qu’il pouvait faire un séjour chez ces gens, si bon
lui semblait. Quant à elle, elle repartait chez elle.
Mais, lorsqu’elle les rejoignit, elle vit Talut : il riait
encore de l’image qu’il s’était faite de lui-même sur le dos d’un cheval.
Alors, elle réfléchit. Le rire lui était devenu précieux. On ne lui avait pas permis
de rire, du temps où elle vivait avec le Clan : cela rendait les gens
nerveux, mal à l’aise. S’il lui était arrivé de rire à haute voix, c’était
seulement avec Durc, en secret. Bébé et Whinney lui avaient appris à y prendre
plaisir, mais Jondalar était le premier être humain avec qui elle avait pu se
laisser aller à rire ouvertement.
Elle contemplait l’homme qui s’esclaffait avec Talut. Il leva
les yeux, lui sourit. La magie de ses yeux d’un bleu incroyablement vif vint
éveiller au plus profond d’elle-même une chaude vibration, et elle sentit
monter une énorme vague d’amour pour lui. La seule pensée de vivre sans lui,
lui serrait la gorge à l’étrangler et faisait monter à ses yeux la brûlure de
larmes retenues.
En revenant vers eux, elle constata que, si Jondalar n’avait pas
la stature de l’homme aux cheveux de flamme, il était presque aussi grand et
mieux découpé que les trois autres hommes. Non, se reprit-elle, l’un d’eux
était encore un adolescent. Et n’y avait-il pas une fillette, avec eux ?
Elle se surprit à observer le groupe à la dérobée : elle ne voulait pas
les dévisager.
Les mouvements de son corps transmirent à Whinney l’ordre de s’arrêter.
Elle passa une jambe par-dessus l’encolure, se laissa glisser au sol. Les deux
chevaux réagirent avec nervosité à
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