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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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sensitive ou le Matérialisme
du sage. Des distractions dont on apprendra bientôt la cause
m'empêchèrent de m'en occuper, et l'on saura aussi quel fut le sort
de mon esquisse, qui tient au mien de plus près qu'il ne
semblerait.
    Outre tout cela, je méditais depuis quelque temps un système
d'éducation, dont madame de Chenonceaux, que celle de son mari
faisait trembler pour son fils, m'avait prié de m'occuper.
L'autorité de l'amitié faisait que cet objet, quoique moins de mon
goût en lui-même, me tenait au cœur plus que tous les autres. Aussi
de tous les sujets dont je viens de parler, celui-là est-il le seul
que j'aie conduit à sa fin. Celle que je m'étais proposée en y
travaillant méritait, ce me semble, à l'auteur, une autre destinée.
Mais n'anticipons pas ici sur ce triste sujet. Je ne serai que trop
forcé d'en parler dans la suite de cet écrit.
    Tous ces divers projets m'offraient des sujets de méditation
pour mes promenades: car, comme je crois l'avoir dit, je ne puis
méditer qu'en marchant; sitôt que je m'arrête, je ne pense plus, et
ma tête ne va qu'avec mes pieds. J'avais cependant eu la précaution
de me pourvoir aussi d'un travail de cabinet pour les jours de
pluie. C'était mon Dictionnaire de musique, dont les matériaux
épars, mutilés, informes, rendaient l'ouvrage nécessaire à
reprendre presque à neuf. J'apportais quelques livres, dont j'avais
besoin pour cela; j'avais passé deux mois à faire l'extrait de
beaucoup d'autres, qu'on me prêtait à la bibliothèque du Roi, et
dont on me permit même d'emporter quelques-uns à l'Ermitage. Voilà
mes provisions pour compiler au logis, quand le temps ne me
permettait pas de sortir, et que je m'ennuyais de ma copie. Cet
arrangement me convenait si bien, que j'en tirai parti tant à
l'Ermitage qu'à Montmorency, et même ensuite à Motiers, où
j'achevai ce travail tout en en faisant d'autres, et trouvant
toujours qu'un changement d'ouvrage est un véritable
délassement.
    Je suivis assez exactement, pendant quelque temps, la
distribution que je m'étais prescrite, et je m'en trouvais très
bien; mais quand la belle saison ramena plus fréquemment madame
d'Épinay à Épinay ou à la Chevrette, je trouvai que des soins qui
d'abord ne me coûtaient pas, mais que je n'avais pas mis en ligne
de compte, dérangeaient beaucoup mes autres projets. J'ai déjà dit
que madame d'Épinay avait des qualités très aimables: elle aimait
bien ses amis, elle les servait avec beaucoup de zèle; et,
n'épargnant pour eux ni son temps ni ses soins, elle méritait
assurément bien qu'en retour ils eussent des attentions pour elle.
Jusqu'alors j'avais rempli ce devoir sans songer que c'en était un;
mais enfin je compris que je m'étais chargé d'une chaîne, dont
l'amitié seule m'empêchait de sentir le poids: j'avais aggravé ce
poids par ma répugnance pour les sociétés nombreuses. Madame
d'Épinay s'en prévalut pour me faire une proposition qui paraissait
m'arranger, et qui l'arrangeait davantage: c'était de me faire
avertir toutes les fois qu'elle serait seule, ou à peu près. J'y
consentis, sans voir à quoi je m'engageais. Il s'ensuivit de là que
je ne lui faisais plus de visite à mon heure, mais à la sienne et
que je n'étais jamais sûr de pouvoir disposer de moi-même un seul
jour. Cette gêne altéra beaucoup le plaisir que j'avais pris
jusqu'alors à l'aller voir. Je trouvai que cette liberté qu'elle
m'avait tant promise ne m'était donnée qu'à condition de ne m'en
prévaloir jamais; et pour une fois ou deux que j'en voulus essayer,
il y eut tant de messages, tant de billets, tant d'alarmes sur ma
santé que je vis bien qu'il n'y avait que l'excuse d'être à plat de
lit qui pût me dispenser de courir à son premier mot. Il fallait me
soumettre à ce joug; je le fis, et même assez volontiers pour un
aussi grand ennemi de la dépendance, l'attachement sincère que
j'avais pour elle m'empêchant en grande partie de sentir le lien
qui s'y joignait. Elle remplissait ainsi tant bien que mal les
vides que l'absence de sa cour ordinaire laissait dans ses
amusements. C'était pour elle un supplément bien mince, mais qui
valait encore mieux qu'une solitude absolue, qu'elle ne pouvait
supporter. Elle avait cependant de quoi la remplir bien plus
aisément depuis qu'elle avait voulu tâter de la littérature, et
qu'elle s'était fourré dans la tête de faire bon gré mal gré des
romans, des lettres, des comédies, des contes, et

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