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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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bois
et du charbon pour commencer mon petit ménage; il ajouta même, et
peut-être de son chef, que le roi me ferait volontiers bâtir une
petite maison à ma fantaisie, si j'en voulais choisir
l'emplacement. Cette dernière offre me toucha fort, et me fit
oublier la mesquinerie de l'autre. Sans accepter aucune des deux,
je regardai Frédéric comme mon bienfaiteur et mon protecteur, et je
m'attachai si sincèrement à lui, que je pris dès lors autant
d'intérêt à sa gloire que j'avais trouvé jusqu'alors d'injustice à
ses succès. A la paix qu'il fit peu de temps après, je témoignai ma
joie par une illumination de très bon goût: c'était un cordon de
guirlandes, dont j'ornai la maison que j'habitais, et où j'eus, il
est vrai, la fierté vindicative de dépenser presque autant d'argent
qu'il m'en avait voulu donner.
    La paix conclue, je crus que sa gloire militaire et politique
étant au comble, il allait s'en donner une d'une autre espèce, en
revivifiant ses États, en y faisant régner le commerce,
l'agriculture; en y créant un nouveau sol, en le couvrant d'un
nouveau peuple, en maintenant la paix chez tous ses voisins, en se
faisant l'arbitre de l'Europe, après en avoir été la terreur. Il
pouvait sans risque poser l'épée, bien sûr qu'on ne l'obligerait
pas à la reprendre. Voyant qu'il ne désarmait pas, je craignis
qu'il ne profitât mal de ses avantages, et qu'il ne fût grand qu'à
demi. J'osai lui écrire à ce sujet, et, prenant le ton familier,
fait pour plaire aux hommes de sa trempe, porter jusqu'à lui cette
sainte voix de la vérité, que si peu de rois sont faits pour
entendre. Ce ne fut qu'en secret, et de moi à lui, que je pris
cette liberté. Je n'en fis pas même participant milord maréchal, et
je lui envoyai ma lettre au roi, toute cachetée. Milord envoya la
lettre sans s'informer de son contenu. Le roi n'y fit aucune
réponse; et quelque temps après, milord maréchal étant allé à
Berlin, il lui dit seulement que je l'avais bien grondé. Je compris
par là que ma lettre avait été mal reçue, et que la franchise de
mon zèle avait passé pour la rusticité d'un pédant. Dans le fond,
cela pouvait très bien être; peut-être ne dis-je pas ce qu'il
fallait dire, et ne pris-je pas le ton qu'il fallait prendre. Je ne
puis répondre que du sentiment qui m'avait mis la plume à la
main.
    Peu de temps après mon établissement à Motiers-Travers, ayant
toutes les assurances possibles qu'on m'y laisserait tranquille, je
pris l'habit arménien. Ce n'était pas une idée nouvelle; elle
m'était venue diverses fois dans le cours de ma vie, et elle me
revint souvent à Montmorency, où le fréquent usage des sondes, me
condamnant à rester souvent dans ma chambre, me fit mieux sentir
tous les avantages de l'habit long. La commodité d'un tailleur
arménien, qui venait souvent voir un parent qu'il avait à
Montmorency, me tenta d'en profiter pour prendre ce nouvel
équipage, au risque du qu'en dira-t-on, dont je me souciais très
peu. Cependant, avant d'adopter cette nouvelle parure, je voulus
avoir l'avis de madame de Luxembourg, qui me conseilla fort de la
prendre. Je me fis donc une petite garde-robe arménienne; mais
l'orage excité contre moi m'en fit remettre l'usage à des temps
plus tranquilles, et ce ne fut que quelques mois après que, forcé
par de nouvelles attaques de recourir aux sondes, je crus pouvoir,
sans aucun risque, prendre ce nouvel habillement à Motiers, surtout
après avoir consulté le pasteur du lieu, qui me dit que je pouvais
le porter au temple même sans scandale. Je pris donc la veste, le
cafetan, le bonnet fourré, la ceinture; et, après avoir assisté
dans cet équipage au service divin, je ne vis point d'inconvénient
à le porter chez milord maréchal. Son Excellence, me voyant ainsi
vêtu, me dit, pour tout compliment, Salamaleki: après quoi tout fut
fini, et je ne portai plus d'autre habit.
    Ayant quitté tout à fait la littérature, je ne songeai plus qu'à
mener une vie tranquille et douce, autant qu'il dépendrait de moi.
Seul je n'ai jamais connu l'ennui, même dans le plus parfait
désœuvrement: mon imagination, remplissant tous les vides, suffit
seule pour m'occuper. Il n'y a que le bavardage inactif de chambre,
assis les uns vis-à-vis des autres à ne mouvoir que la langue, que
jamais je n'ai pu supporter. Quand on marche, qu'on se promène,
encore passe; les pieds et les yeux font au moins quelque chose;
mais rester là, les bras

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