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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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principes et leur auteur.
    Pendant assez longtemps je vis peu du Peyrou, parce que je
n'allais point à Neuchâtel, et qu'il ne venait qu'une fois l'année
à la montagne du colonel Pury. Pourquoi n'allais-je point à
Neuchâtel? C'est un enfantillage qu'il ne faut pas taire.
    Quoique protégé par le roi de Prusse et par milord maréchal, si
j'évitai d'abord la persécution dans mon asile, je n'évitai pas du
moins les murmures du public, des magistrats municipaux, des
ministres. Après le branle donné par la France, il n'était pas du
bon air de ne pas me faire au moins quelque insulte: on aurait eu
peur de paraître improuver mes persécuteurs, en ne les imitant pas.
La classe de Neuchâtel, c'est-à-dire la compagnie des ministres de
cette ville, donna le branle, en tentant d'émouvoir contre moi le
conseil d'État. Cette tentative n'ayant pas réussi, les ministres
s'adressèrent au magistrat municipal, qui fit aussitôt défendre mon
livre, et, me traitant en toute occasion peu honnêtement, faisait
comprendre et disait même que si j'avais voulu m'établir en ville,
on ne m'y aurait pas souffert. Ils remplirent leur Mercure
d'inepties et du plus plat cafardage, qui, tout en faisant rire les
gens sensés, ne laissait pas d'échauffer le peuple et de l'animer
contre moi. Tout cela n'empêchait pas qu'à les entendre je ne dusse
être très reconnaissant de l'extrême grâce qu'ils me faisaient de
me laisser vivre à Motiers, où ils n'avaient aucune autorité; ils
m'auraient volontiers mesuré l'air à la pinte, à condition que je
l'eusse payé bien cher. Ils voulaient que je leur fusse obligé de
la protection que le roi m'accordait malgré eux, et qu'ils
travaillaient sans relâche à m'ôter. Enfin, n'y pouvant réussir,
après m'avoir fait tout le tort qu'ils purent et m'avoir décrié de
tout leur pouvoir, ils se firent un mérite de leur impuissance, en
me faisant valoir la bonté qu'ils avaient de me souffrir dans leur
pays. J'aurais dû leur rire au nez pour toute réponse: je fus assez
bête pour me piquer, et j'eus l'ineptie de ne vouloir point aller à
Neuchâtel; résolution que je tins près de deux ans, comme si ce
n'était pas trop honorer de pareilles espèces que de faire
attention à leurs procédés, qui, bons ou mauvais, ne peuvent leur
être imputés, puisqu'ils n'agissent jamais que par impulsion.
D'ailleurs, des esprits sans culture et sans lumière, qui ne
connaissent d'autre objet de leur estime que le crédit, la
puissance et l'argent, sont bien éloignés même de soupçonner qu'on
doive quelque égard aux talents, et qu'il y ait du déshonneur à les
outrager.
    Un certain maire de village, qui pour ses malversations avait
été cassé, disait au lieutenant du Val-de-Travers, mari de mon
Isabelle: On dit que ce Rousseau a tant d'esprit: amenez-le-moi,
que je voie si cela est vrai. Assurément, les mécontentements d'un
homme qui prend un pareil ton doivent peu fâcher ceux qui les
éprouvent.
    Sur la façon dont on me traitait à Paris, à Genève, à Berne, à
Neuchâtel même, je ne m'attendais pas à plus de ménagement de la
part du pasteur du lieu. Je lui avais cependant été recommandé par
madame Boy de la Tour, et il m'avait fait beaucoup d'accueil; mais
dans ce pays, où l'on flatte également tout le monde, les caresses
ne signifient rien. Cependant, après ma réunion à l'Église
réformée, vivant en pays réformé, je ne pouvais, sans manquer à mes
engagements et à mon devoir de citoyen, négliger la profession du
culte où j'étais entré: j'assistais donc au service divin. D'un
autre côté, je craignais, en me présentant à la table sacrée, de
m'exposer à l'affront d'un refus; et il n'était nullement probable
qu'après le vacarme fait à Genève par le conseil, et à Neuchâtel
par la classe, il voulût m'administrer tranquillement la cène dans
son église. Voyant donc approcher le temps de la communion, je pris
le parti d'écrire à M. de Montmollin (c'était le nom du ministre),
pour faire acte de bonne volonté, et lui déclarer que j'étais
toujours uni de cœur à l'Église protestante; je lui dis en même
temps, pour éviter des chicanes sur des articles de foi, que je ne
voulais aucune explication particulière sur le dogme. M'étant ainsi
mis en règle de ce côté, je restai tranquille, ne doutant pas que
M. de Montmollin ne refusât de m'admettre sans la discussion
préliminaire, dont je ne voulais point, et qu'ainsi tout fût fini
sans qu'il y

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