Les Derniers Jours de Pompéi
l’ouragan, il y a moins à craindre que pour les rameaux délicats du myrte et pour les grappes riantes de la vigne.
Le mois d’août s’avançait : leur mariage était fixé au mois suivant, et le seuil de Glaucus était déjà entouré de guirlandes. Chaque nuit, à la porte d’Ione, il répandait de riches libations. Il n’existait plus pour ses gais compagnons. Il ne quittait plus Ione. Le matin, pendant la chaleur du jour, le temps se passait à faire de la musique ; le soir, ils évitaient les lieux fréquentés, pour se promener sur l’eau ou le long des prairies fertiles et couvertes de vignes qui s’étendaient au pied du sinistre Vésuve. La terre ne tremblait plus, les joyeux Pompéiens oubliaient le terrible avertissement qu’ils avaient reçu du destin. Glaucus, dans la vanité de son paganisme, se figurait en quelque sorte que cette convulsion de la nature avait été une intervention des dieux, moins en sa faveur qu’en celle d’Ione. Il offrit des sacrifices de reconnaissance aux temples consacrés à sa foi ; l’autel même d’Isis se couvrit de ses guirlandes votives. Quant au prodige de la statue animée, il rougissait de l’effet qu’elle avait produit sur lui ; il le considérait toujours comme le résultat de la magie humaine ; mais cela même lui prouvait qu’il ne fallait pas y voir le courroux d’une déesse.
Quant à Arbacès, ils apprirent que cet homme vivait encore ; étendu sur un lit de souffrance, il ne se remettait qu’avec peine du choc qui l’avait renversé. Il laissait les amants en repos, tout en se préparant à la vengeance et en attendant cette heure avec impatience.
Soit dans les matinées qu’ils passaient à la maison d’Ione, soit dans leurs excursions du soir, Nydia les accompagnait ordinairement : c’était leur seule société. Ils ne se doutaient pas des secrètes flammes qui consumaient son cœur. La brusque liberté avec laquelle elle se mêlait à leurs entretiens, ses manières capricieuses et quelquefois malintentionnées, trouvaient de l’indulgence dans le souvenir des services qu’elle leur avait rendus et dans leur compassion pour son infirmité ; peut-être même s’intéressaient-ils d’autant plus fortement à elle qu’ils observaient en elle ce caractère contrariant et bizarre, ces singulières alternatives de douceur et de colère, ce mélange d’ignorance et de génie, de délicatesse et de rudesse, de caprices d’enfant et de réserve de femme. Quoiqu’elle refusât d’accepter la liberté, on la laissait constamment libre. Elle allait où elle voulait, on n’imposait de règle ni à ses paroles ni à ses actions. Glaucus et Ione ressentaient pour cette jeune fille, affligée d’une si grande disgrâce et d’une âme si sensible, la même pitié, la même indulgence qu’une mère éprouve pour un enfant malade et gâté, envers lequel, même pour son bien, elle n’ose faire valoir son autorité. Elle profita de cette liberté pour refuser de sortir avec l’esclave qu’on avait attaché à ses pas. Son bâton lui suffisait pour se conduire ; elle allait seule, comme autrefois dans le temps où personne ne la protégeait, à travers les rues les plus populeuses ; c’était vraiment merveilleux de voir avec quelle adresse elle fendait la foule, évitant tout danger et traversant son chemin au milieu des détours de la cité. Mais son principal bonheur, c’était toujours de visiter le petit espace qui composait le jardin de Glaucus, et de soigner les fleurs qui, du moins, lui rendaient son amour. Quelquefois elle entrait dans la chambre où il était assis et cherchait à lier conversation avec lui ; mais elle se retirait bientôt, car toute conversation pour Glaucus était ramenée à un seul sujet : Ione ; et ce nom, quand il sortait des lèvres de l’Athénien, était une torture pour elle. Elle se reprochait par moments le service qu’elle leur avait rendu ; elle se disait intérieurement : « Si Ione avait succombé, Glaucus ne l’aurait plus aimée. » Et alors de sombres et terribles pensées oppressaient sa poitrine.
Elle n’avait pas prévu les épreuves qui lui étaient réservées, lorsqu’elle s’était montrée si généreuse. Elle n’avait jamais été présente aux entrevues de Glaucus et d’Ione ; elle n’avait jamais entendu cette voix, qui était si tendre pour elle, s’adoucir encore pour une autre. Ce coup qui avait frappé son cœur en apprenant l’amour de
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