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Les émeraudes Du Prophète

Les émeraudes Du Prophète

Titel: Les émeraudes Du Prophète Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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de dormir. Il faut que j’essaie d’en savoir plus !
    Et, sans attendre la réaction d’Adalbert, Aldo se précipita dans la galerie mais ne dépassa guère le seuil de la porte : un groupe assez houleux composé du général von Langenfels, de Fritz von Taffelberg et de la jeune Hilda sortait de chez la défunte : le vieil homme était furieux et les deux autres essayaient vainement de le calmer :
    — Jamais je n’autoriserai cette indécente comédie ! Ma nièce devait être folle quand elle a exprimé ces volontés insensées…
    — Insensées peut-être et croyez qu’elles ne me réjouissent pas plus que vous, général, plaidait Taffelberg avec, dans la voix, une note douloureuse qui, fit dresser l’oreille de Morosini mais elles existent. Nous devons en tenir compte.
    — Balivernes ! Un simple chiffon de papier !
    — Signé par deux témoins, scellé à ses armes !…
    — Le feu en viendra à bout tout aussi bien !
    — Sans doute, coupa la voix paisible de la jeune fille, mais il ne pourra venir à bout du double, écrit lui aussi de la main de Son Altesse, et déposé chez son notaire de Bregenz. Il faut que sa volonté soit accomplie !
    — Eh bien, on achètera le notaire et voilà tout !
    — Impossible ! Non seulement il est riche mais incorruptible. Son Altesse l’avait choisi pour cela. Il faut se résigner… monseigneur ! ajouta Hilda, employant pour la première fois le nouveau traitement du vieil homme, ce qui parut l’adoucir en flattant doucement sa vanité. Sa colère était presque tombée quand il objecta :
    — Ce qui est impossible, c’est que cette folle n’aille pas reposer auprès de son défunt mari dans la chapelle du château. L’envoyer à Lugano ? Personne ne comprendrait !
    — On penserait à une bizarrerie de plus. Notre pauvre maîtresse n’en était pas avare et tout le monde le savait. Fille d’un pays de neige elle adorait le climat méditerranéen. Pourquoi ne demanderait-elle pas à être enterrée au soleil ? Après tout elle n’est pas née ici.
    — Je veux bien l’admettre. Mais avez-vous songé que ce… Manfredi ou quel que soit son nom pourrait refuser ?
    — Il faudra bien qu’il accepte ! De gré ou de force ! gronda Taffelberg. Je saurai bien l’y obliger !
    — Je crois que je peux vous faire confiance mais si nous exécutons cette volonté délirante, j’entends que ce soit en secret ! Les funérailles auront lieu ici, dans trois jours, comme le veulent les traditions et je les conduirai moi-même. Je ne veux rien savoir de plus !
    Écartant les deux jeunes gens d’un geste brusque, le nouveau grand-duc partit à grands pas vers ses appartements. Ceux qu’il laissait là gardèrent le silence tandis qu’il s’éloignait. Hilda, enfin, laissa échapper un sanglot :
    — C’est affreux, Fritz ! Qu’allons-nous faire s’il refuse de nous aider ?
    — Faire la volonté de la grande-duchesse à la lettre ! Il aura ses funérailles puisqu’il y tient mais elle n’en reposera pas moins à Lugano. Dieu sait pourtant que je hais cet Alberto Manfredi mais elle d’abord !…
    À son tour, il fonça le long de la galerie obscure comme s’il allait demander des comptes à quelqu’un, cependant qu’Hilda cherchait l’appui d’une colonne pour donner libre cours à son chagrin. Dans son coin, Morosini hésita sur ce qu’il convenait de faire. Dans le bizarre dialogue qu’il venait de surprendre les deux noms prononcés le plongeaient dans un abîme de réflexions : Lugano et Alberto Manfredi, un endroit et une personne qu’il connaissait assez bien. Le comte Alberto Manfredi, pour lui donner son nom in extenso, était même l’un de ses bons clients. Ce noble italien, issu d’une vieille famille de la région de Vérone transplantée de l’autre côté de la frontière suisse pour de multiples raisons dont la mainmise du Fascio sur l’Italie n’était pas la moindre, collectionnait avec passion les turquoises et les jolies femmes qu’une grande séduction naturelle attirait aisément. Mais de ces deux collections seule demeurait celle des pierres depuis qu’il avait épousé l’année précédente une jeune femme dont il était tombé éperdument amoureux et dont les grands yeux possédaient la nuance exacte des pierres qu’il aimait tant. En dépit d’une différence d’âge de vingt-cinq ans, c’était l’un des mariages les plus réussis qui se puissent voir. Or si Aldo avait

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